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Page:Revue Musicale de Lyon 1903-12-22.pdf/5

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revue musicale de lyon

quant à quelle race élue et fatale appartiendra le héros ; une apparition estompée, une ombre, presque, de la seconde partie du thème des Wälsungen, apparaît aux violons, et c’est enfin la forte fanfare de Northung (ii), qui nomme pour ainsi dire et présente celui que Hagen vient de désigner[1].

« Quels exploits a donc accompli ce héros, qu’il soit ainsi seul capable de réveiller la Walküre » demande Gunther. Et Hagen raconte la lutte de Siegfried et de Fafner (à l’orchestre : motif des géants, rappelant la conquête de l’anneau). Si le héros vient ici, et qu’il s’éprenne de Gutrune, il ira chercher Brünnhilde pour Gunther. Pour la première fois apparaît le thème du philtre, évidemment dérivé de celui du Tarnhelm. Et précisément, voici que sonne sur le Rhin, la fanfare de chasse du fils de Welse (vi), et bientôt Siegfried

x

[partition à transcrire]

x. – Thème de Siegfried gardien de l’épée

apparaît, ramant d’une seul main contre le courant. Il descend tenant en main son cheval. Hagen et Gunther vont au-devant de lui sur le rivage. « Suis-je ici chez le fils

de Gibich ? » demande le voyageur, que semble nommer le thème de Siegfried gardien de Nothung (x). Aux accords de la fanfare des Gibichungen, Gunther se présente, et par d’amicales paroles engage le héros à pénétrer dans sa demeure. Hagen se chargera de Grane[2]. Dès les premières paroles de Hagen à Siegfried, le thème de la malédiction d’Albérich a retenti, lugubre présage, prophétisant l’assassinat du fils des dieux par le fils du Nibelung.

Aux souhaits de bienvenue de Gunther, soulignés par le thème claironnant des Gibichungen, Siegfried répond : « Sans terre ni gens, je viens à toi, je n’ai ni château ni cour, j’ai mon corps seulement qu’use à son gré la vie : j’ai seulement l’épée que moi-même j’ai faite. » Et pour peindre les souvenirs qu’évoque cette idée du glaive, l’orchestre chante successivement le thème des Wälsungen vaillants (ix) à qui l’épée était promise, celui de la conquête de Brünnhilde, les thèmes de la forge, de l’enclume (xi), de Nothung (ii)[3]. « Tu possèdes cependant le trésor du Rhin », demande Gunther. Et Siegfried répond qu’il a laissé l’or dans l’antre de Fafner, emportant seulement

le heaume dont il ignore l’usage, et
  1. Pour se rendre compte des détails voir la partition du Crépuscule (partition d’orchestre, t. 1, p. 210), p. 47, dernière ligne, dernière mesure : thème de la chevauchée (la )(clarinette basse), le même aux cors, p. 48, l. 1, thème du feu, p. 48, l. 1 et 2 (gr. flûtes, 1ers violons). Thème de l’oiseau l. 3 et 4 (cors en fa et trompette), thème des Wälsungen vaillants, p. 49, l. 1 et 2 (violoncelles et altos), seconde partie de ce thème (p. 49, l. 2, violons divisés) (voir pour cette division du thème, la partition de la Walkyrie acte 1er, p. 32, l. 3) ; thème de Nathung l. 3 (quatre cors). À la 3e mesure de la ligne 3, la portée de main droite contient une altération de la fanfare de Siegfried (2e, 3e et 4e cors), tandis qu’à la portée de main gauche, figure le thème de Nothung à l’état pur (violoncelles).
  2. Ici encore il faut remarquer avec quelle extraordinaire précision, le dessin de l’orchestre serre de près la description de la scène, et en détaille les intentions. Lorsque Siegfried demande : Qui prend mon cheval ? le thème arpégé qui constitue le second motif de la chevauchée des Walküren passe aux cors (partition, p. 62, l. 4), et dès que Hagen a parlé, le thème de la malédiction d’Alberich sonne au même instrument. « Je t’ai reconnu à ta vigueur » dit Hagen et c’est le thème de Siegfried gardien de l’épée, p. 63, l. 1 (1er et 2e cors). Puis ce sont les deux motifs de la chevauchée, diversement contrepoints, coupant ou soulignant l’appoggiature du thème de Brünnhilde est là constamment présente, contraste frappant avec ce qui va se produire après la scène du philtre. Seul l’orchestre pouvait peindre de tels psychismes, et seulement avec le procédé essentiellement descriptif des motifs conducteurs.
  3. Page 65, l. 1, 2 et 3, il y a là six leit-motive parfaitement distincts en douze mesures.