Aller au contenu

Page:Revue Musicale de Lyon 1904-02-17.pdf/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
revue musicale de lyon

Chacune de ces sonates eût-elle été d’ailleurs jouée cent fois, que cela ne retirerait rien à l’originalité, ni à l’excellence de l’idée de MM. Rinuccini et Geloso. Il est indéniable qu’ils sont les premiers à nous faire entendre en trois séances la série complète de ces sonates. Personne n’y avait songé avant eux.

Dieu sait combien de fois depuis Habeneck chez Pasdeloup, puis chez Colonne et Lamoureux, les symphonies de Beethoven ont été jouées et rejouées à Paris. Il y a trois ans, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne, les neuf symphonies furent données les unes après les autres au concert Lamoureux. Ce fut comme une révélation. On connaissait à fond chaque symphonie prie isolément. On ne soupçonnait pas la grandeur, la sublimité du monument constitué par l’assemblage de ces symphonies.

De même que les symphonies, les dix sonates piano et violon forment par leur réunion un bloc splendide. MM. Rinuccini et Geloso sont les premiers à présenter à notre admiration ce majestueux édifice. Le système qu’ils ont inauguré n’est-il pas la meilleure leçon de choses ? N’est-il pas autrement instructif que l’audition de deux ou trois de ces sonates, même précédée d’une savante conférence ?

Que ces deux excellents artistes ont donc eu raison d’adopter l’ordre chronologique ! C’est le seul logique ; ils auraient, en ne s’y conformant pas, commis une lourde faute.

L’intérêt qu’il y aurait à mettre en parallèle dans la même séance une sonate de la première et une sonate de la seconde manière est purement hypothétique. En voici la raison. Cette fameuse classification de l’œuvre de Beethoven en trois manières — que tout le monde connaît et qu’il est encore plus facile d’apprendre par cœur qu’une sonate — est assurément vraie dans ses grandes lignes. Elle se trouve fréquemment en faute quand on va au fond des choses.

Cette classification a répondu à une nécessité. Il a bien fallu placer quelques jalons dans cet immense domaine. Mais il faut bien se garder de prendre cette classification au pied de la lettre.

Il est, par exemple, inexact d’affirmer que toutes les œuvres de la première manière ne sont qu’une reproduction du style de Mozart. Sauf quelques exceptions, les œuvres de cette première manière portent l’indiscutable empreinte du style de Beethoven. En veut-on des exemples ? On n’a que l’embarras du choix. Le premier et le quatrième mouvements du trio en ut mineur (Op. 1, no 3) sont-ils, en bonne vérité, du pur Mozart ? N’appartiennent-ils pas à la seconde manière, aussi légitimement, sinon plus, que la huitième sonate, pour piano et violon (Op. 30, no 3). L’adagio de la troisième sonate pour piano et violon (Op. 12, no 3) ne présente-t-il pas plus manifestement le caractère de la seconde manière que l’allegretto scherzando de la huitième symphonie (Op. 93) ? etc. On pourrait citer encore une interminable liste d’exemples analogues.

Donc, l’ordre chronologique, dans l’exécution intégrale d’œuvres de Beethoven, d’une même catégorie, est le seul admissible. L’inspiration du Maître est si riche, si variée, que tout danger de monotonie pouvant résulter de l’audition, l’une après l’autre, de deux œuvres contemporaines, est écarté. Chacune des deux sonates de l’œuvre 12 ne possède-t-elle pas son allure bien personnelle ?

Il n’est que temps de parler de l’exécution des cinquièmes, sixième et septième sonates. Elle a été superbe. MM. Rinuccini et Geloso ont présenté des œuvres parfaitement mises au point. Les mouvements qu’ils ont pris sont les vrais. Ils ont rendu avec un intelligent discernement le caractère particulier de chaque sonate. Ces deux artistes possèdent l’un et l’autre, sur leur instrument, une maîtrise absolue. La sonorité de M. Rinuccini est à la fois puissante et d’un grand charme. M. Geloso a un vibrant tempérament d’artiste. On ne peut que souhaiter à tous les pianistes un mécanisme aussi souple et aussi brillant.

La salle entière a chaleureusement applaudi acclamé et rappelé MM. Rinuccini et Geloso.

Ce n’était que justice.

S.

Concert Mauvernay

Il serait vraiment décourageant d’organiser des concerts populaires, analogues à la belle séance, donnée la semaine dernière, par Mme Mauvernay, si l’on ne savait qu’un tel but : éduquer la masse, par l’audition et l’explication