Aller au contenu

Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

muraille. Ils avançaient, lourds et rapides. La folle poussa un grand cri :

— Les voilà !… vite !… Anda !… elles vont nous dévorer.

Son étreinte devint convulsive ; sa bouche charmante grelottait, un gémissement continu montait de sa gorge et brusquement, elle prit sa course… Alors, voyant que les gardiens allaient la rattraper, Pierre ferma les yeux, saisi d’une tristesse abominable.

Quand il les rouvrit, les gardiens tenaient la fugitive. Elle n’avait pas poussé un cri, elle les suivait, muette et sombre. Mais quand elle repassa près de Pierre, elle cria d’une voix déchirante :

— Pourquoi m’as-tu abandonnée ?

Il s’enfuit dans la lande. Il revoyait sans répit cette face blanche, ces yeux trop clairs, surtout cette bouche si fine et si étincelante… D’indicibles pressentiments le parcouraient comme des courants faradiques… Il allait à grands pas ; le soir était venu quand il se vit dans une ville qui était Avranches. L’église de Saint-Saturnin montait dans la nue. Une cloche finissait de sonner, une grosse étoile tremblotait…

Il entra dans l’église. Des femmes étaient agenouillées et aussi quelques hommes. Il les considéra dans la lueur jaune et débile, il fut bizarrement surpris de ne pas voir Valentine et mademoiselle Faubert… Il espéra pendant quelques minutes qu’elles allaient venir, puis, déçu, il sortit…

Deux femmes passaient dans la pénombre, qu’il reconnut à l’allure. Lui qui avait été surpris de ne pas les trouver dans le temple fut encore plus surpris de les voir là. Le visage de Valentine se tourna vers lui. Elle avait frissonné…

Machinalement, il se mit à marcher auprès de mademoiselle Faubert. Une force l’entraînait, qui arrêtait le jeu de la pensée. Son odorat exacerbé percevait un subtil parfum d’iris et d’ambre. Il ne songeait pas à Philippe ; il semblait que son passé et son avenir lui appartinssent comme aux autres êtres. Il entendait les propos de Madeleine et répondait mécaniquement.

Après peu de temps, ils se trouvèrent devant la vieille maison. La lumière de la lune venait de biais et enveloppait Valentine d’une lueur de féerie.