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Page:Revue de Paris, 24e année, Tome 1, Jan-Fev 1917.djvu/413

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— Pourquoi serait-il polarisé ?

— Regardez les feuilles par transparence, et comparez ?…

On perçoit une indéfinissable différence entre les feuilles des deux livrets. À la loupe, c’est plus sensible pour le livret Givreuse, on a le sentiment que la lumière passe mieux dans le sens de la longueur que dans le sens de la largeur, pour l’autre livret, rien de semblable… Enfin les poids diffèrent d’une manière surprenante :

Savarre attira une petite balance et, pesant l’un après l’autre les documents, il constata :

— À peu de chose près, le livret banal pèse le double du livret Givreuse !… Et ce n’est pas tout…

Le neurologue tira de sa poche le deuxième livret Givreuse et le superposant au premier sur la balance :

— À eux deux, ils ont le poids d’un seul livret… et si vous les comparez, à la loupe, les transparences apparentes sont égales dans les deux documents, mais dans des directions perpendiculaires !

Gourlande vérifiait avec soin chacune des assertions de Savarre.

— C’est exact ! — acquiesça-t-il. — Où voulez-vous en venir ?

— Vous le devinez ! — répondit doucement le médecin. — J’affirme que ces deux livrets proviennent d’un seul livret, divisé par les méthodes de Grantaigle !

— Ce n’est pas impossible, et cela ne dépasse pas, comme fait expérimental, les confidences que je suis autorisé à faire.

La fièvre avait saisi Savarre ; il cria avec force :

— Le livret appartenait à un soldat… qui le portait sur lui au moment de l’expérience !…

Un grelottement secoua Gourlande :

— Vit-il encore ?

— Il vit… ils vivent !

Une sorte de joie craintive parut dans le regard nyctalope.

— Vous saviez ! — fit impérieusement Savarre.

Charles Gourlande haussa les sourcils :

— Comprenez-vous, — dit-il à voix basse, — pourquoi mon maître a voulu que ses expériences restent secrètes ? Comprenez-vous à quel point elles pouvaient être dangereuses dans