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Page:Revue de Paris - 1895 - tome 1.djvu/713

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LA

SÉPARATION DES POUVOIRS


Les sociétés civilisées se sont transformées si rapidement en ce siècle par le progrès des sciences, de la production matérielle, de l’instruction et de la presse, qu’elles ont fait craquer les institutions politiques dont leurs anciens gouvernements les avaient revêtues. Mais les lambeaux des institutions détruites sont restés accrochés dans les textes de lois officiels et dans les commentaires officieux, et empêchent d’apercevoir la réalité. Ainsi le droit constitutionnel des peuples civilisés est devenu un amas de théories fondées sur l’observation d’un état de choses disparu, ou sur la généralisation hâtive de quelques faits exceptionnels.

Pour discerner dans un principe de droit public ce qui est encore une réalité vivante de ce qui n’est plus qu’une formule vide, le procédé rationnel semble être d’en étudier l’évolution dans l’histoire intérieure des États contemporains. Je vais essayer de l’appliquer à l’un des dogmes politiques les plus célèbres de notre temps, celui de la séparation des pouvoirs.


I


C’est Montesquieu qui a formulé la théorie de la séparation des pouvoirs, dans le chapitre bien connu De la Constitution d’Angleterre. L’idée n’était pas entièrement neuve. Locke, dans