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Page:Revue de Paris - 1895 - tome 1.djvu/722

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LA REVUE DE PARIS

le Parlement « une Assemblée représentant tout un peuple dégradée par la présence d’un ministre ».

Quant au pouvoir judiciaire, on ne lui fit pas une place conforme à la théorie parmi les pouvoirs souverains. Après avoir invoqué Montesquieu pour faire repousser la nomination des juges par le pouvoir exécutif, on se borna à rendre les juges électifs, comme les administrateurs et les ecclésiastiques. La doctrine servit seulement à rétablir la justice administrative de l’ancien régime : « Les fonctions judiciaires seront distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ». (Loi du 24 août 1790.) On en tira la conséquence que les conflits avec une autorité administrative ne pouvaient être jugés par un tribunal judiciaire et ne devaient être réglés que par l’administration elle-même. Ce fut le germe de la justice administrative qui, après la restauration du Conseil d’État et la création des Conseils de préfecture sous Napoléon, s’est peu à peu développée jusqu’à former un service complet de juridiction administrative parallèle au service de la juridiction ordinaire. En ce temps la théorie de la séparation des pouvoirs servait les partisans de la justice administrative, en attendant le jour où elle allait être invoquée contre eux.

Ainsi, vers la fin du xviiie siècle, le régime parlementaire à l’anglaise, compromis par des scandales, condamné par l’opinion, paraissait décrépit et prêt à périr, tandis que la séparation des pouvoirs, adoptée officiellement par les deux grands peuples novateurs aux États-Unis sous la forme fédérale, en France sous la forme centralisée, semblait appelée à devenir le droit public du monde civilisé.


II


La crise des guerres de la Révolution mit bientôt à l’épreuve le régime de la séparation des pouvoirs. Les conventionnels, ces terribles réalistes, s’aperçurent vite que l’Assemblée, pour résister à l’invasion, avait besoin d’être souveraine, et qu’elle