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Page:Revue de Paris - 1895 - tome 5.djvu/26

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un autre monde

Ceci étonna le docteur plus que tout le reste. L’étude en fut longue, minutieuse et, d’ailleurs, conduite avec un art infini. Elle devint, entre les mains de l’habile expérimentateur, l’origine de subtiles découvertes dans l’ordre des sciences classées par l’humanité, lui donna la clef de phénomènes lointains de magnétisme, d’affinité, de pouvoir inducteur, le guida vers de nouvelles notions physiologiques. Savoir que tel métal comporte une série de nuances inconnues, variables avec la pression, la température, l’état électrique, que les gaz les plus diaphanes ont des couleurs distinctes, même sur une petite épaisseur ; se renseigner sur l’infinie richesse de tons d’objets qui paraissent plus ou moins noirs, alors qu’ils donnent une gamme plus magnifique dans l’ultra-violet que toutes les couleurs connues ; savoir enfin combien varient en nuances inconnues un circuit électrique, l’écorce d’un arbre, la peau d’un homme, en un jour, une heure, une minute, — on peut aisément imaginer tout le parti que peut tirer un savant ingénieux de pareilles notions.

Quoi qu’il en soit, cette étude plongea le docteur dans les délices de la nouveauté scientifique, au prix desquelles les produits de l’imagination sont froids comme la cendre devant le feu. Il ne cessait de me dire :

— C’est clair ! Votre extra-perception lumineuse n’est en somme, que l’effet de votre organisme développé en vitesse !

Nous travaillâmes patiemment toute une année sans que je fisse mention des Moedigen : je voulais absolument convaincre mon hôte, lui donner des preuves innombrables de mes facultés visuelles avant de m’aventurer à la suprême confidence. Enfin, le moment arriva où je crus pouvoir tout dévoiler.


ix


C’était un matin, dans un doux automne plein de nuages, qui se roulaient depuis une semaine sur la coupe du ciel, sans que la pluie en descendît. Van den Heuvel et moi parcourions le