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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/204

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FRAGMENS LITTÉRAIRES.

exprimer tous les détails ni par notre prose, ni par nos vers. »

C’est ainsi qu’on jugeait encore il y a quelques années ; c’est ainsi qu’un auteur aussi puissant de moyens que madame de Staël se hasardait avec précaution à traduire quelques fragmens de la tragédie de Faust, que nous possédons aujourd’hui tout entière dans notre langue… Le temps est un grand maître !

Burger semble devoir, sous plusieurs rapports, mériter la préférence sur Hoffmann. Ses compositions ont presque toujours un but moral, ostensible ou caché, et son talent n’est pas, comme celui de son rival, un dévergondage mental sans but, et quelquefois sans méthode. Aujourd’hui il demeure prouvé qu’Hoffmann écrivait sous l’influence continuelle d’un cauchemar, sous le joug d’une idée fixe, et souvent sans savoir ce qu’il voulait. Que de fois ses compositions sont restées à la pensée du lecteur comme une énigme sans mot !

Les sujets que traitait Burger étaient pris au hasard comme ils lui arrivaient, mais avaient presque toujours un but bien déterminé. La ballade de Lénore, si populaire dans toute la Germanie, lui fut inspirée par une jeune fille.

Un soir, par un beau clair de lune, il entendit une jeune paysanne chanter d’une voix altérée ces mots :

« La lune est si claire !
» Les morts vont si vite à cheval !
» Dis, chère amie, ne frissonnes-tu pas ? »