Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 4.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
195
LÉNORE.

Burger n’eut plus de repos qu’il n’eût composé une histoire fantastique sur ce refrain. Il fit la ballade de Lénore, et la lut à la société littéraire de Goëttingue. Arrivé à ce passage :

« Il s’élance à bride abattue contre une grille de fer… D’un coup de sa houssine légère il frappe… les verroux se brisent, » etc., il frappa contre la cloison de la chambre… les auditeurs tressaillirent, et se levèrent spontanément. Le poète, qui craignait que son ouvrage n’eût pas de succès, vit qu’il avait réussi. La vogue qu’obtint Lénore lui en donna bientôt la certitude.

C’est cette ballade que j’ai essayé de rendre en français ; elle m’avait tristement ému dans mes cantonnemens lors de nos guerres d’Allemagne, et je l’avais retenue presque par cœur, ainsi qu’une autre : « Guter Mond du gehst so stille, » que je chantais en Poméranie, en traversant la nuit au clair de la lune, sur les glaces de la Baltique, le détroit qui sépare Stralsund de l’île de Rugen. Les nuits ainsi passées n’étaient jamais stériles pour moi, et je devenais poète par la pensée et par les émotions que j’éprouvais en présence de ce grand spectacle de la nature.

Lénore.

Le soleil se levait radieux, et Lénore s’éveillait après un songe pénible… Wilhem, où es-tu ? dit-elle. Les plaines de Prague te voient-elles victorieux, ou la cruelle mort t’a-t-elle frappé ?