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Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 1.djvu/729

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REVUE. — CHRONIQUE.

jeunes hommes. Le soleil devait resplendir entouré de ses plus radieux satellites. Après Sémiramis, Otello, la Gazza, on nous avait promis les Puritains et Faliero, simples reflets, je l’avoue, mais reflets encore assez ardens et lumineux pour éclairer nos âmes froides et débiles, et les faire tressaillir. Sur deux partitions, une seule avait paru, les Puritains de M. Bellini, car je ne parle pas ici de l’essai malencontreux tenté dans les premiers jours à propos de l’opéra d’Ernani. L’œuvre de Donizetti nous restait donc encore à connaître. Et vainement la saison avançait, vainement les prés commençaient à verdir, et tous les bruits du printemps à s’éveiller dans l’herbe ; Donizetti était là avec sa partition qu’il nous apportait de Naples. Aussitôt Julie Grisi, Rubini, Lablache, Tamburini, ces infatigables artistes, toujours prêts à chanter comme les oiseaux sur leurs nids, se sont de nouveau mis à l’œuvre, de telle sorte qu’au bout d’un mois nous avons entendu le plus charmant opéra qu’on ait encore écrit pour nous, et que le Théâtre Italien, en mourant pour renaître heureusement bientôt, nous jette comme le cygne ; un chant d’adieu frais et mélancolique.

L’opéra de Donizetti si ardemment désiré a paru enfin. À la répétition de la veille, le Théâtre Italien, le seul où se soit conservée cette fleur de politesse et de bon goût, qui jadis croissait chez nous en pleine terre, le Théâtre Italien avait ouvert ses portes au public élégant qui le fréquente de coutume. Dès midi, cent carrosses blasonnés d’éclatantes armoiries stationnaient sur la place Favart, comme s’il se fût agi d’un bal donné au bénéfice des anciens employés de la liste civile, ou d’une représentation de don Giovanni pour la rentrée de Mme Malibran ; car le Théâtre Italien ne fait point mystère de ses œuvres. Et quel intérêt aurait-il à les dérober au public, puisqu’au jour de la représentation, sa musique, à lui, n’a pas besoin de vêtemens de pourpre et d’or, de chevaux fleurdelisés, et d’impudiques saturnales, où de profanes mains touchent à des simulacres augustes, mais tout simplement d’un orchestre choisi et de chanteurs incomparables comme seul il peut en avoir. De plus, l’administration du Théâtre Italien a le bon esprit de ne pas se croire infaillible, et de consulter son public sur les œuvres qu’elle donne. C’est, d’ordinaire, à ces répétitions, devant une assemblée de femmes élégantes et de jeunes hommes exercés, que le talent du maître se discute, et que son œuvre échoue ou réussit vraiment. Et voilà pourquoi ce mode d’admission, funeste au théâtre habitué à donner des œuvres puériles et sans importance musicale, est favorable à celui qui s’est engagé, dès l’origine, dans une route parfaitement opposée. Or, si cette habitude de convier ses abonnés aux répétitions générales n’était, avant tout, un acte de politesse, je le prendrais