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DU SYSTÈME ÉLECTORAL ANGLAIS.

ham, 70 électeurs sur 120 avaient été achetés ; à Criklade, 123 sur 240.

À Camelford où il n’y avait qu’un très petit nombre d’électeurs ; on a offert, de l’aveu des agens qui ont fait les offres, jusqu’à 17,000 francs par vote. Dans les bourgs où les électeurs étaient très nombreux, on ne pouvait pas évidemment les acheter aussi cher. Ainsi, à Liverpool, aux élections de 1830, le prix du vote variait de 125 à 2,500 francs[1]. 2681 freemen furent ainsi achetés par les différens candidats. Ce fait a été prouvé devant un comité de la chambre.

Dans les bourgs même où les votes ne s’achetaient pas, les candidats avaient à supporter des dépenses considérables, dont la principale avait pour objet d’obtenir le vote des électeurs non domiciliés. Lorsqu’une élection était fortement contestée, chaque candidat s’efforçait de faire venir les électeurs qu’il supposait lui être favorables, à quelque distance qu’ils pussent être en ce moment du lieu où devait se faire l’élection. Il en venait des points les plus reculés de la Grande-Bretagne, souvent même du continent, et les frais de voyage, comme ceux de séjour, étaient à la charge du candidat.

Une pratique très commune encore était d’attirer les électeurs indifférens par l’appât d’un bon dîner, non que le candidat ordonnât lui-même le festin : il ne traitait que les gens comme il faut (respectable men) ; quant aux autres, il se contentait de leur faire distribuer (à ceux qui devaient voter pour lui, bien entendu) des billets de dîner. Or, ces billets étaient une sorte de papier-monnaie, qui avait cours dans toutes les boutiques de la ville, et pour lequel on donnait en retour, au choix de l’électeur, du calicot, de la toile, du thé, du sucre, de la viande, etc.

Ces abus et bien d’autres, qu’on trouvera exposés dans le livre de M. Jollivet, rencontrèrent presque tous des défenseurs parmi les adversaires de la réforme, qui, à défaut de meilleures raisons, ne craignaient pas d’invoquer en leur faveur le droit de prescription. Il y eut même des gens qui représentèrent comme une nouveauté pernicieuse la mesure relative à la formation authentique des listes électorales. L’ancienne loi, en effet, n’avait rien prescrit à cet égard, ce qui permettait souvent de glisser parmi les électeurs des gens qui n’avaient nul droit de voter.

  1. La différence dans les prix s’explique non-seulement par les prétentions plus ou moins élevées de l’électeur acheté, mais encore par le plus ou moins de marchandise qu’il vend. Chaque électeur, en effet, a autant de votes qu’il y a de membres à nommer, et s’il les porte tous sur un même candidat, s’il donne le paquet (plumper), il est payé en conséquence.