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enfans, les citoyens des affranchis, les Romains des étrangers, les hommes en manteau de ceux qui portaient la toge. Il vit un jour toute une assemblée vêtue de cette ignoble pænula qui simulait la toge ou dispensait de la porter. Voilà donc, s’écria-t-il, en rappelant ironiquement une parole du poète :

« Romanos rerum dominos gentemque togatam. »

Mais ce n’était rien, il fallait relever la moralité romaine, restreindre le luxe bien autrement dangereux, alors qu’il n’y avait pas d’industrie ; rebâtir les temples, doter les pontifes, réhabiliter le mariage qui semblait prêt à passer de mode : voilà où la vieille Rome avait mis sa force, et hors de là, en effet, quels principes de force, de moralité, pouvait-on lui connaître ?

Mais c’est là aussi que le siècle résistait davantage : Auguste enrichissait les colléges de prêtres, dotait les vestales, et cependant les vestales lui manquaient. Nul citoyen romain n’offrit sa fille pour une place vacante, il fallut descendre aux filles d’affranchis : Auguste jura, dans sa colère, que si ses petites-filles n’eussent pas passé l’âge, il les aurait présentées ; Julie, a-t-on observé, eût fait une étrange vestale.

Mais la grande plaie du temps, c’était le célibat. L’antiquité ignorait ou ne subissait pas la loi fatale de Malthus ; ce fut toujours la dépopulation qu’elle craignit pour les états ; le mariage, sans être pourtant un joug bien lourd et peut-être même parce qu’il pesait peu, était un joug que tout le monde repoussait. Au bout de quelques années, de quelques mois, on quittait sa femme, on quittait son mari pour en prendre un autre. César eut trois femmes, Auguste quatre ou cinq ; chacun des membres de sa famille fut marié cinq ou six fois ; mais le célibat semblait plus commode encore, et joint à la débauche, à la diminution de la culture, au luxe égoïste des familles riches, il dépeuplait l’Italie.

Ce ne fut qu’à la fin de sa vie, quand sa politique fut bien affermie, qu’Auguste osa demander au sénat des lois qui ne nous sont connues que par fragmens, mais dont l’ensemble formait un système qui paraîtrait aujourd’hui bien étrange ; elles faisaient des célibataires comme une classe d’ilotes qui ne pouvaient ni recueillir un legs, ni remplir une charge ; du mariage et de la paternité, un mérite suréminent qui dispensait de tous les devoirs pénibles, qui