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DE L’ESPAGNE.

que et dernière propriété. Sans entrer dans le détail de ces affligeantes persécutions, je vais encore citer un fait pour apprendre quel coup mortel en reçut la cause espagnole. Lorsqu’après la résolution désespérée du colonel Valdès, qui franchit la Bidassoa plutôt que de rendre les armes, Mina se vit forcé d’aller lui tendre la main, un plan de campagne fut arrêté par lui, un plan sage, habile, décisif peut-être. Entré le 20 octobre en Espagne, avec une faible troupe, il devait se borner, pendant quelques jours, à d’insignifiantes manœuvres non loin de la frontière de Navarre, bien certain d’attirer sur ce point, et par la seule puissance de son nom, toutes les forces royales dispersées dans les provinces basques, la Navarre et l’Aragon. Huit jours après, le général Plasencia, qui rassemblait dans l’intervalle les pelotons de réfugiés disséminés sur les bords de l’Adour, devait pénétrer dans l’Aragon, alors dépourvu de troupes, et marcher sans coup férir jusqu’à Saragosse, où l’attendaient les libéraux de la province, avec qui cette opération était combinée. En effet, le général Llauder réunit toutes les troupes de l’Aragon à celles de Pampelune pour venir attaquer les réfugiés à Vera. Mais, tandis que Mina, résigné d’avance au revers qui l’attendait, après avoir passé trente heures dans une fente de rocher pour échapper aux battues dirigées contre lui avec des hommes et des chiens, rentrait comme par miracle en France, où il croyait apprendre le succès de son lieutenant, un sous-préfet, en saisissant les caisses d’armes destinées à la troupe de Plasencia, avait rendu stériles le dévouement et la mort de tant de braves, avait fait échouer la plus habile manœuvre, et retardé peut-être l’affranchissement d’un peuple.

Tous ces faits sont consignés dans un mémoire que le général Lafayette mit sous les yeux du roi et des ministres, au commencement du mois de novembre. Ce mémoire, signé par M. Mendizabal, qui avait généreusement sacrifié sa fortune entière dans l’entreprise, au point que ce fut de la Tour de Londres, où il était arrêté pour dettes, qu’il conçut et commença d’exécuter l’expédition de don Pedro sur le Portugal ; ce mémoire, dont la minute m’est restée, avait pour objet de proposer au gouvernement une espèce de mezzo termine, alors qu’on ordonnait l’internation des réfugiés en France.