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CONGRÈS DE VÉRONE.

que grandeur, parce que les convictions étaient vives et les illusions encore entières ; temps d’excitation continue, mais réglée, où la presse était la première puissance du siècle, et M. de Châteaubriand la première puissance de la presse, dont il fondait la liberté.

Porté aux affaires par un parti dont il allait devenir bientôt après l’adversaire le plus redoutable, le ministre des affaires étrangères de 1823 contribua, plus que tout autre, à une expédition où ses amis politiques virent un moyen de conquérir le pouvoir, où lui déclare n’avoir vu qu’une entreprise purement nationale. Le succès couronna une tentative essayée sous les feux croisés des journaux et de la tribune, devant les menaces de l’Angleterre et les mauvais vouloirs de l’Autriche, et la France retrouva une armée en même temps que la dynastie croyait pousser des racines séculaires.

Cette guerre d’Espagne ne manque pas assurément d’importance historique, et M. de Châteaubriand a tout droit de provoquer l’opinion publique à une appréciation sérieuse d’un tel acte.

Selon lui, cette opinion s’est long-temps égarée, et sur la nature et sur la portée d’une affaire qui, dans sa pensée, devait entraîner des modifications importantes dans le système politique de l’Europe, dans les traités qui, à notre si grand préjudice, en fixent la situation territoriale. Il revendique avec une sorte de jalousie la responsabilité exclusive de cette guerre, et augmente bien plutôt qu’il n’atténue la part qu’il a pu y prendre.

C’est sur ce terrain, et sur celui-là seulement, que nous suivrons l’illustre écrivain. Déjà engagé sur cette question par des opinions écrites, dans lesquelles le Congrès de Vérone nous confirme de plus en plus, nous dirons toute notre pensée sur l’expédition de 1823, les négociations qui l’ont précédée et les actes qui l’ont suivie. Une discussion franche et loyale est, nous en sommes certain, la seule que M. de Châteaubriand appelle et qui soit digne de lui. Cet hommage, nous le lui paierons dans la langue de liberté qu’il a apprise à la génération nouvelle, fière de l’avouer pour maître, heureux s’il y retrouvait quelque souvenir et quelque trace de ses leçons !

De 1815 à 1822, l’action politique de la France avait été nulle au dehors. Contrainte de faire face aux engagemens imposés par deux invasions dont elle n’était point comptable, encore qu’elles l’accablassent d’une immense impopularité, la restauration n’avait pu avoir qu’une pensée, la libération du territoire et l’indépendance nationale. Le patriotisme d’un noble ministre, la générosité d’un grand souverain, hâtèrent le terme de la délivrance, et, à Aix-la-Chapelle,