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l’Europe consentit enfin à repasser la frontière qu’elle nous avait tracée de la pointe de son épée victorieuse.

Le peu de confiance qu’inspirait notre état intérieur, les luttes du pouvoir contre l’opinion, et les injustices de celle-ci contre le pouvoir, tout ce qu’il y avait de précaire dans une situation que le temps et la prudence pouvaient seuls rectifier, dut nous ôter alors tout crédit en Europe. On avait voulu nous atteindre aux sources mêmes de notre vie nationale, et tout autre pays que la France ne se serait pas relevé de cette impitoyable mutilation. Mais celle-ci, éternellement jeune, éternellement féconde, avait des ressources dont sa mauvaise fortune donna seule le secret à elle-même et au monde. Elle se retrouva bientôt debout en face de l’Europe, toute prête à sceller avec son gouvernement un pacte de réconciliation, s’il savait la replacer à son rang entre les peuples.

Rendre à la nation le baptême qu’elle avait perdu, donner une armée à la maison de Bourbon en nationalisant la monarchie, telle devait être dès-lors la préoccupation dominante de tout homme d’état appelé à concilier l’antagonisme fatal qui séparait la royauté historique d’avec le pays transformé par des intérêts nouveaux. Mais une telle tentative rencontrait des difficultés que l’Europe estimait invincibles, et qu’elle avait consacré tous ses efforts à combiner.

En 1814 et 1815, les grandes puissances avaient renouvelé, en les étendant, les stipulations de Chaumont ; elles s’étaient unies par un pacte d’étroite alliance, et bientôt l’ame religieuse d’Alexandre imprima à cette confédération une consécration mystique. Une sorte de congrès général gouverna le monde, et les ministres de la grande alliance, réunis en conférence permanente, eurent mission de décider toutes les questions dans un esprit européen, ce qui voulait dire anti-français.

Long-temps les ambassadeurs des quatre grandes cours exercèrent au sein de notre capitale cette surveillance et cette tutelle, et presque chaque année les souverains allaient en personne en revendiquer l’exercice à Troppau ou à Carlsbadt, à Laybach ou à Vérone. Toutes les affaires tombèrent ainsi dans le domaine d’une alliance sans puissance contre les dissentimens nombreux qui séparaient les cabinets, et redoutable seulement à la France dont les tendances libérales et la résurrection militaire provoquaient une unanime terreur. En 1818, les conditions de l’évacuation avaient été arrêtées en congrès ; plus tard les mesures pour étouffer la révolution de Naples, qui menaçait d’embraser l’Italie, furent concertées de la même ma-