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divers points : il y en a 15 en tout, logeant 1,459 mules-jenni, dont 115 en gros et 1,314 en fin. Les métiers à tisser, au nombre de 1,215, donnent, en hiver, 3,645 pièces par jour, et 6,075 pièces en été.

Outre ces grandes fabriques de toiles de coton, il existe dans les villages de la Basse-Égypte beaucoup de métiers pour les toiles de lin : le pacha en a également le monopole. Il retire chaque année 3 millions de pièces de toile de lin, dont les négocians européens exportent une assez grande quantité à Trieste et à Livourne. Cet avantage est dû uniquement au bas prix de la main d’œuvre. Le chiffre annuel des toiles de coton ne s’élève qu’à 2 millions de pièces ; la fabrique d’indiennes produit 25,000 pièces, et celle de mouchoirs imprimés 12,000. La fabrique de soieries donne 15,000 pièces coton, soie et or. Les deux tanneries fournissent 100,000 cuirs. Les fabriques de nitre par l’évaporation donnent 160,000 quintaux de cette substance[1].

Depuis sept à huit ans, telle est la situation de l’industrie manufacturière en Égypte. Privée du secours de la vapeur, cette branche du travail humain reste stationnaire sur les bords du Nil. Faut-il en conclure, avec certains économistes, que l’Égypte doit être exclusivement agricole ? Nous ne le pensons pas. Il est vrai que l’Égypte n’a ni fer, ni houille, qu’elle n’a pas d’ingénieurs pour construire ou raccommoder ses machines ; mais ces difficultés ne sont que relatives, car on peut très bien découvrir des mines de fer et de houille en Syrie, et de bons ingénieurs peuvent se former avec le temps. Dans l’état actuel des choses, l’Égypte, dont le sol donne le coton, le lin, la laine, la soie, fabrique déjà elle-même une partie de ses matières premières, et, bien que les produits de ses manufactures n’atteignent pas à la perfection de ceux des manufactures anglaises, françaises, italiennes, suisses, autrichiennes, et n’empêchent par conséquent pas l’importation croissante de leurs tissus, ces produits, disons-nous, ont leur utilité, et nous ne voyons pas pourquoi on voudrait en interdire la confection sous prétexte que l’on fait mieux ailleurs. La fabrication humaine ne peut pas être également parfaite sur tous les points du globe ; il faut que l’on fasse du bon et du moins bon ; cette gradation dans la qualité des produits manufacturés est nécessaire, et nous la retrouvons dans les produits primitifs de la nature. Les fabricans de Manchester, qui ont craint un instant que leurs toiles de coton ne trouvassent plus de débouché en Égypte, ont accrédité en Europe l’opinion que le pacha ferait mieux de fermer ses filatures, et qu’il ne trouvait aucun avantage dans ce genre d’exploitation. Il est vrai que jusqu’ici les bénéfices sont peu considérables, cela tient à la concurrence de la fabrique européenne ; mais cette nouvelle masse de produits jetés dans la consommation par la fabrique égyptienne, et que le gouvernement distribue en grande partie aux fellahs, en contre-valeur des produits

  1. Il y a, à la citadelle du Caire, une fabrique de plaques de cuivre, des ateliers de menuiserie, de sellerie, de coutellerie et d’instrumens de chirurgie, et toutes les autres fabriques pour la confection du matériel militaire.