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IDYLLE.
RODOLPHE.

Rosalie est le nom de la brune fillette
Dont l’inconstant hasard m’a fait maître et seigneur.
Son nom fait mon délice, et, quand je le répète,
Je le sens, chaque fois, mieux gravé dans mon cœur.

ALBERT.

Je ne puis sur ce ton parler de mon amie.
Bien que son nom aussi soit doux à prononcer,
Je ne saurais sans honte à tel point l’offenser,
Et dire, en un seul mot, le secret de ma vie.

RODOLPHE.

Que la fortune abonde en caprices charmans !
Dès nos premiers regards nous devînmes amans.
C’était un mardi gras, dans une mascarade.
Nous soupions, — la Folie agita ses grelots,
Et notre amour naissant sortit d’une rasade,
Comme autrefois Vénus de l’écume des flots.

ALBERT.

Quels mystères profonds dans l’humaine misère !
Quand, sous les marronniers, à côté de sa mère,
Je la vis, à pas lents, entrer si doucement,
Son front était si pur, son regard si tranquille !
Le ciel m’en est témoin, dès le premier moment,
Je compris que l’aimer était peine inutile ;
Et cependant mon cœur prit un amer plaisir
 À sentir qu’il aimait, et qu’il allait souffrir.

RODOLPHE.

Depuis qu’à mon chevet rit cette tête folle,
Elle en chasse à la fois le sommeil et l’ennui ;
Au bruit de nos baisers le temps joyeux s’envole,
Et notre lit de fleurs n’a pas encore un pli.