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REVUE DES DEUX MONDES.
ALBERT

Depuis que dans ses yeux ma peine a pris naissance,
Nul ne sait le tourment dont je suis déchiré.
Elle-même l’ignore, — et ma seule espérance
Est qu’elle le devine un jour, quand j’en mourrai.

RODOLPHE

Quand mon enchanteresse entr’ouvre sa paupière,
Sombre comme la nuit, pur comme la lumière,
Sur l’émail de ses yeux brille un noir diamant.

ALBERT

Comme sur une fleur une goutte de pluie,
Comme une pâle étoile au fond du firmament,
Ainsi brille en tremblant le regard de ma mie.

RODOLPHE

Son front n’est pas plus grand que celui de Vénus.
Par un nœud de ruban deux bandeaux retenus
L’entourent mollement d’une fraîche auréole ;
Et, lorsqu’au pied du lit tombent ses longs cheveux,
On croirait voir le soir, sur ses flancs amoureux,
Se dérouler gaiement la mantille espagnole.

ALBERT

Ce bonheur à mes yeux n’a pas été donné
De voir jamais ainsi la tête bien-aimée.
Le chaste sanctuaire où siège sa pensée,
D’un diadème d’or est toujours couronné.

RODOLPHE

Voyez-la, le matin, qui gazouille et sautille ;
Son cœur est un oiseau, — sa bouche est une fleur.
C’est là qu’il faut saisir cette indolente fille,