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REVUE. — CHRONIQUE.

Il est évident que le parti révolutionnaire, au lieu de se dissoudre, s’organise, s’instruit, se prépare à de nouveaux combats. Au lieu de l’abandonner, des hommes capables vont à lui, et s’en font les précepteurs et les chefs.

Ces faits, qui pourrait aujourd’hui les révoquer en doute ? Aussi la révolution ne peut plus se maintenir dans un accord apparent avec les opinions libérales qui ne sont pas révolutionnaires, qui ne veulent pas le renversement de l’établissement de juillet.

De là cette lutte et ce schisme dont la réforme électorale a été le prétexte, et qui éclatent et se renouvellent tous les jours. C’est qu’à mesure qu’on veut approcher du but, il se découvre un abîme entre les opinions qui paraissaient contiguës, entre les hommes qui les représentent.

En présence de ces faits, peut-on envisager sans quelques alarmes l’avenir qui paraît s’annoncer ? Une chambre divisée, fractionnée, dominée par de petits intérêts, par des sympathies et des antipathies de coterie, sans organisation et sans chefs ; un cabinet trop éclairé pour avoir confiance en lui-même, dans sa situation, pour ne pas comprendre que loin de pouvoir rallier autour de lui une forte majorité, il devra se contenter de vivre, si Dieu lui donne vie, au jour le jour, faisant un peu la cour à toutes les opinions, à toutes les nuances de la chambre, plus occupé d’étudier les fantaisies journalières d’une assemblée désorganisée, que de lui faire adopter des principes fixes de conduite, un système de gouvernement.

Eh bien ! nous le disons du fond de notre conscience, le ministère vaut mieux que le rôle que son origine, les circonstances, la situation, le condamnent invinciblement à jouer. M. Villemain et M. Dufaure, M. Passy et M. Duchatel, sont fort au-dessus de ces misères, et il est triste de voir ainsi de beaux talens s’user en pure perte. Il est impossible que l’illustre maréchal ne commence pas à se sentir mal à l’aise dans la rue des Capucines. Le jour des combats approche, mais ce n’est pas la baïonnette ni le canon qui donnera la victoire. Des occupations nouvelles, insolites, la curiosité qui s’y rattache et ce désir que nous avons tous, dans une certaine mesure, de nous montrer aptes à toutes choses, ont pu faire un moment illusion à M. le président du conseil. Nous ne savons pas si l’illusion continue ; mais ce qui est certain à nos yeux, c’est que la France doit regretter de plus en plus que son grand homme de guerre n’ait pas établi ses pavillons dans l’hôtel de la rue Saint-Dominique.

Voyez l’Algérie. Nous ne voulons ni récriminer sur le passé, ni décourager sur l’avenir. Nous affirmons seulement, et c’est là un inconvénient qu’on peut faire cesser à l’instant même, qu’un maréchal en Afrique, célèbre par une récente victoire, et n’ayant pas sans doute une petite opinion de lui-même, et à Paris, un ministre de la guerre, simple lieutenant-général, d’une célébrité militaire qui ne parait pas s’élever au-dessus de celle de cinquante autres lieutenans-généraux, c’est là une position fausse et pour le supérieur et pour le subordonné, mais plus encore pour la France, sur qui en retomberont toutes les fâcheuses conséquences. Sans doute le maréchal Soult siége dans le conseil et le préside ; on disait même dans le temps que M. Schneider ne devait être