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sont plus marquées et en quelque sorte plus périodiques qu’en Espagne, depuis la mort de Ferdinand VII.

En ne parlant pas du ministère de M. Zéa Bermudez, qui occupe une place à part dans l’histoire de la révolution espagnole, il y a eu jusqu’à présent presque autant de succès pour un parti que pour l’autre. L’administration modérée de M. Martinez de la Rosa, continuée par M. de Toreno, a amené le mouvement des provinces et la fameuse insurrection des juntes qui a porté aux affaires M. Mendizabal et les exaltés. Le ministère de M. Mendizabal a été renversé par le ministère Isturitz, le plus énergique effort qui ait encore été tenté par les modérés. Le ministère Isturitz a succombé à son tour devant les évènemens de la Granja et la proclamation de la constitution de 1812. Le ministère Calatrava, né du succès des exaltés à la Granja, a tenu les affaires pendant un an ; après lui est venue une série de ministères faibles, sans autorité, mais appartenant tous plus ou moins à l’opinion modérée, dont le dernier vient de s’abîmer à Barcelone devant l’émeute organisée par les exaltés.

Le personnel et les ressources des deux partis sont très différens, comme leurs principes. La plus grande force des modérés est dans le pouvoir royal, le plus puissant des élémens d’ordre qui soit encore resté debout en Espagne. La reine Christine, femme d’esprit et de courage, a souvent donné à ce parti la résolution qui lui manque ; mieux que personne, elle sait tenir tête au péril et trouver des moyens pour le conjurer. Les modérés ont de plus pour eux toute la noblesse, tous les hommes éprouvés par les affaires, tous les riches propriétaires qui ne sont pas carlistes, tout ce qui ressemble en Espagne à une bourgeoisie, en un mot tous les intérêts. Les exaltés n’ont qu’une arme contre tant d’adversaires, mais elle est terrible : c’est l’arme des sociétés secrètes. Les anciens francs-maçons du temps de l’empire ont conservé leur organisation, dont n’a pu triompher la poursuite tenace de Ferdinand VII, et s’appuient sur des sociétés nouvelles sorties de leur sein, comme celles des Communeros, des Carbonari, du Centre universel, de la Jeune Espagne, des Larmes de Torrijos, des Isabelinos, des Vengeurs d’Alibaud, de la Sainte-Hermandad, etc., qui couvrent l’Espagne de leurs ramifications. C’est là que les exaltés se recrutent.

Ces deux partis, qui luttent ainsi dans l’intérieur de l’Espagne, cherchent naturellement des points d’appui à l’extérieur. Le parti modéré est français par excellence ; le parti exalté est anglais. Plusieurs causes ont amené cette distinction nouvelle, qui est aussi es-