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PERCIER.

À partir de 1814, où M. Fontaine demeura seul chargé des travaux d’entretien qu’exigeaient les palais de nos rois, M. Percier se livra tout entier aux soins de son école, en même temps qu’à des études de restauration des principaux édifices de la France et de l’Italie. Fontainebleau, dont il venait de réparer les ruines, qui dataient de plus d’un siècle, lui fournit un recueil complet de dessins coloriés avec le plus grand soin, où l’édifice de François Ier reparaissait avec toute son ancienne splendeur, avec toute sa fraîcheur primitive. Ce recueil, qu’il avait l’intention de publier, contient, outre la galerie de Diane, entièrement détruite aujourd’hui, une restitution de la fameuse salle des Fêtes, telle qu’elle avait d’abord été conçue ; et c’est à l’aide d’un petit nombre d’élémens épargnés par la destruction, ou de simples indices habilement interprétés par le savoir et le goût, que l’œuvre de Serlio et celle du Primatice renaissaient à une existence nouvelle sous la main de M. Percier. En même temps, il s’exerçait sur un programme tout différent, sur le grand hôpital de Milan, monument de ce genre qu’il prisait au-dessus de tout autre, pour son excellente disposition et sa majestueuse ordonnance, et dont il fit une magnifique restauration. Plus tard enfin, il s’était donné pour sujet d’étude la restauration des palais de Gênes, envisagée sous le rapport le plus difficile, celui qui consistait à y mettre d’accord les principes d’un goût pur et sévère avec l’effet magique de leurs somptueux escaliers. Et c’est à cette époque de sa vie, où il embrassait ainsi dans ses études tant de beaux monumens de la renaissance dont il s’était rendu le goût si familier, qu’il exécutait pour un prince de Pologne une petite église gothique, si bien conçue dans son ensemble, si soigneusement étudiée jusque dans sa charpente et dans ses moindres détails, qu’on crut voir un édifice du XIIe siècle, et qu’il sembla que M. Percier n’eût jamais fait autre chose, ni vécu dans un autre temps. C’est qu’avec le caractère de talent qui lui était propre et qui pouvait servir à son siècle, il possédait ce tact fin et délicat qui rend l’architecte capable de concevoir, de bâtir ou de restaurer chaque monument dans les conditions de goût et de style qui lui appartiennent, ce savoir sûr et profond qui permet d’assigner à chaque forme d’architecture son légitime emploi, de mettre chaque ornement en son lieu et chaque style à sa place ; qualités précieuses qui constituent la véritable originalité, si différente de cette originalité du faux savoir, qui confond tous les styles et mêle toutes les manières, qui fait de l’antique sans intelligence, comme du gothique sans conviction et de la renaissance sans étude, et qui ne produit que