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DE LA PUISSANCE ANGLAISE DANS L’INDE ET EN CHINE.

l’invasion du Bèhar et de l’Assam. Mais le gouverneur-général était prêt à tout évènement, et la manière dont il a dirigé cette grande affaire d’Afghanistan est la preuve la plus complète qu’aucune crise n’eût trouvé sa vigueur en défaut. « En supposant que le but de la Chine eût été atteint, disait dernièrement la Revue d’Édimbourg, les Anglais eussent pu avoir à livrer bataille à une armée de Tartares dans les plaines de Bèhar, au milieu de ces champs de pavots qui ont fait une si mauvaise réputation à la compagnie, ou parmi les plantations rivales du haut Assam, qui doivent bannir le thé de Chine des marchés européens. » Lord Auckland avait la conscience de sa force, et rien ne prouve mieux, selon nous, qu’il était à la hauteur de la mission que lui avait confiée l’Angleterre, que la modération de son langage et son attention constante, dans ses rapports officiels avec les princes du pays, à faire ressortir les avantages de la civilisation et du commerce, et à placer la gloire du législateur et de l’administrateur éclairé bien au-dessus de celle du conquérant.

L’Angleterre doit beaucoup à lord Auckland, pour la fermeté avec laquelle il a su depuis 1837, maintenir une politique pacifique dans ses discussions avec le souverain birman. Le résident anglais à la cour d’Ava, le commissaire chargé de l’administration des provinces méridionales (cédées par les Birmans en 1825), et plusieurs des autorités civiles ou militaires, qui connaissaient ou prétendaient connaître le caractère et les vues du nouveau souverain[1], et les intérêts du gouvernement britannique dans ses relations politiques avec l’empire birman, proclamaient hautement et avec instance la nécessité absolue de venger l’honneur anglais par un appel immédiat aux armes. L’armée, naturellement avide des chances d’un service actif, de promotions et de butin, prêtait sa puissante voix à ces manifestations entraînantes. La presse fit son possible pour appuyer les efforts de la passion et de l’égoïsme ; elle n’avait pas de termes assez durs pour stigmatiser la soumission honteuse du gouvernement, ou l’imprudence de sa politique, en permettant au roi d’Ava d’insulter les Anglais avec impunité, en lui donnant le temps de consolider son pouvoir, de rassembler et de discipliner ses troupes, et de se préparer à sa convenance une guerre ouverte. Lord Auckland, sans s’émouvoir de ces clameurs, continua tranquillement ses préparatifs, et fit signifier aux

  1. Tharawadi, roi actuel des Birmans, est frère du dernier roi. Une révolution, amenée par l’état de faiblesse et d’imbécillité où était tombé ce prince dès 1824, a placé Tharawadi sur le trône. Ils descendaient tous deux du grand Alompra, qui régna sur ce vaste empire avec gloire, il y a près d’un siècle.