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marche du gouvernement représentatif, un changement notable et significatif. Ce sont pourtant là les seules réformes dont l’opinion soit frappée et que la raison publique admette. Ce sont les seules qui aient quelque chance de prévaloir dans un temps peu éloigné.

Il est bien de le redire, le mal n’est point dans les lois qui constituent la chambre des pairs ou la chambre des députés. Il est dans les anomalies et les contradictions que présentent nos institutions et nos lois de diverses origines et de diverses époques. Il est surtout dans des idées, des mœurs, des habitudes, que le gouvernement parlementaire n’a point encore suffisamment conquises et façonnées. Cela est si vrai, que les meilleurs amis de ce gouvernement ne savent pas ou ne veulent pas encore le pratiquer dans toutes ses conditions. Ainsi, dans le gouvernement parlementaire, la situation des chefs de l’opposition, parallèle et presque égale à celle des chefs du ministère, donne à peu de chose près la même influence dans le pays et impose les mêmes devoirs. Aussi, en face de lord Melbourne, de lord John Russell et de lord Palmerston, voit-on s’asseoir chaque soir le duc de Wellington, sir Robert Peel et lord Stanley, qui, à la tête de leur parti, examinent de leur point de vue, toutes les mesures présentées, et n’en laissent pas passer une de quelque importance sans dire leur mot et sans exprimer leur avis. Ce n’est pas qu’ils aient, par ces débats journaliers, l’espoir de changer la majorité qui les écoute. Nulle part plus qu’en Angleterre chaque membre n’arrive à la séance avec un parti pris, et il est bien rare que le compte des voix fait avant le débat ne se trouve pas exact après. Mais le duc de Wellington, sir Robert Peel, lord Stanley, savent que, comme chefs de l’opposition, il ont un rôle à jouer, une opinion à défendre, un parti à maintenir. Ils savent qu’une portion notable du pays, minorité aujourd’hui, mais qui demain peut devenir majorité, a les yeux fixés sur eux, et qu’ils doivent parler pour elle. Ils savent enfin que la lutte quotidienne, incessante, sur les petites comme sur les grandes choses, est la vie même du gouvernement représentatif. Plus ambitieux que vains, ils n’aiment d’ailleurs le pouvoir que pour en faire un usage réel, et ne veulent y arriver qu’à leur temps et dans des conditions satisfaisantes de force et de durée. Cette conduite, qu’on le remarque bien, est commune à tous les partis. Elle est aujourd’hui celle des tories ; elle sera celle des whigs le jour où le duc de Wellington, sir Robert Peel et lord Stanley se seront emparés du pouvoir.

Est-ce ainsi qu’en France l’opposition comprend et pratique le