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LA HOLLANDE.

défaut ; mais enfin il y avait dans ces compositions un talent de style, une harmonie de langage, et une certaine hardiesse de pensée dont on n’avait encore point eu d’exemple en Hollande : ce sont là les qualités qui assurent à Hooft un rang distingué parmi les écrivains de sa nation. Il publia en outre des poésies fugitives, des chansons érotiques qui eurent un grand succès, et qui sont passées de mode avec le mauvais goût qui les inspira. Comme prosateur, il s’est acquis une réputation plus sérieuse et moins contestée. Il écrivit une Vie de Henri IV, une histoire des calamités de Florence, qu’il attribuait à l’élévation des Médicis. Les dernières années de sa vie furent employées à retracer les graves évènemens de la Hollande, à partir de l’abdication de Charles-Quint (1555) jusqu’à l’assassinat de Guillaume Ier (1584). Il aurait voulu continuer cette œuvre nationale jusqu’à l’année 1609, époque de la première trève de la Hollande avec l’Espagne : la mort le surprit au milieu de ses travaux, et l’on ne trouva dans ses papiers que le récit du gouvernement de Leicester.

En se jetant dans cette nouvelle carrière, Hooft avait pris pour modèle Tacite. Il l’avait lu et relu avec amour plus de cinquante fois, dit un de ses biographes, et, pour mieux se familiariser avec son génie, il l’avait traduit. Tous ses livres d’histoire furent écrits sous l’impression de cette longue et ardente étude ; souvent dans sa narration, comme dans les histoires de l’antiquité, l’auteur s’efface. Les personnages entrent en scène ; ils prennent la parole dans les conseils ; ils haranguent les troupes sur les champs de bataille ; l’action tient la place du récit. Si cette manière de dramatiser les évènemens ôte à l’histoire, du moins en apparence, cette vérité austère qui nous séduit par sa simplicité et nous rassure par sa monotonie, elle lui donne un mouvement, une vigueur qui peut produire de grands effets. Hooft avait de la verve, de l’éloquence. Il avait, d’ailleurs, longuement approfondi chacune des époques dont il retraçait les annales, et ses œuvres historiques furent dignement appréciées. Louis XIII, à qui il fit présenter par Grotius sa Vie de Henri IV, lui envoya, avec une reconnaissance filiale, l’ordre de Saint-Michel, une chaîne d’or et des lettres de noblesse. Ses compatriotes lui surent gré d’avoir consacré son génie et ses veilles au récit de leur lutte courageuse. Aujourd’hui encore ils aiment à relire son histoire, et l’on a très justement observé que Schiller avait eu grand tort de ne pas la consulter pour écrire son livre sur la révolution des Pays-Bas.

Vondel, dont les premières œuvres datent aussi du commencement du XVIIe siècle, avait plus de génie poétique que Hooft et plus