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du trône à leur tête ; ce fut ce qui perdit la liberté. Par la fatale imprudence de don Pedro, le gouvernement avait été soustrait aux libéraux ; si l’empereur du Brésil se fût trouvé en Europe, il eût défendu la charte avec moins de peine qu’il n’en fallut prendre pour la détruire ; car enfin, bien que je me sois interdit toute attaque personnelle, il faut le dire, les principaux ministres de don Miguel avaient servi la régente, défendu la charte, et le discours d’ouverture de ces cortès mensongères, dans lequel fut posée la question d’illégitimité de la reine doña Maria, fut prononcé par le même prélat qui, deux fois au nom de cette princesse, avait ouvert la session des cortès constitutionnelles. Toutefois la position des chefs apostoliques, moines ou nobles, leur donne des cliens nombreux ; ils s’adressent à des instincts plus ardens, ils sollicitent des intérêts plus tenaces, ils agitent facilement des passions factices, bien que le nombre des fanatiques de l’absolutisme soit extrêmement faible. Rien ne ressemble à une intrigue comme les trois mois qui ont précédé l’usurpation de don Miguel. Pour être irrégulière, la violence n’en est pas moins calculée ; tous les coups sont prémédités ; la cabale de cour agit par la rue ; elle presse, elle excite le prince. L’intérêt évident de celui-ci était, il est vrai, d’attendre l’arrivée de doña Maria en Europe et de ménager les sujets anglais ; mais l’impatiente reine Charlotte se rappela qu’à Villa-Franca l’absolutisme avait triomphé sans qu’elle ou les apostoliques eussent rien gagné. La faction entraîna donc l’infant à des mesures violentes contrairement à ses intérêts et au vœu des adversaires honnêtes de la constitution. Si dans ces circonstances la valeur des émotions populaires est difficile à déterminer, il reste des décrets officiels, qui déposent contre la spontanéité du mouvement contre-révolutionnaire. Le gouvernement fut obligé d’ordonner à tous les fonctionnaires de ne recevoir dans les élections aux cortès les votes d’aucune personne connue pour mal comprendre les questions de légitimité ; encore fallut-il éliminer beaucoup de membres, afin que, bravant la terreur, aucune voix accusatrice ne pût s’élever.

Ainsi donc, à l’unanimité, les trois ordres déclarèrent don Miguel relevé de ses sermens, parce que les droits du peuple à un monarque légitime ne pouvaient être aliénés. Mais on ne saurait s’appesantir sur des formes trompeuses et sur des manques de foi, quand un pays est ensanglanté par le crime et déchiré par la violence Chaque volontaire royaliste a le droit d’arrêter de son chef celui qu’il suspectera, le mot de suspect est dans la loi ; des cours spéciales doivent informer sommairement, parce que le crime de franc-maçonnerie, dit le décret, est trop indigne pour être couvert par de vaines formalités ; un arrêt de déportation est cassé par l’infant, qui exige et obtient des juges la peine de mort ; les prisonniers de Villaviciosa sont massacrés comme ceux de la haute cour d’Orléans ; par ordre du gouvernement, les têtes sont portées sur des piques, les corps brûlés, les cendres jetées dans la mer ; chaque individu est exhorté à se faire lui-même l’exécuteur des sentences, et à tuer les ennemis du roi, quand même ils ne lui auraient fait personnellement aucun mal, précaution qui dénonce les mœurs du parti. Enfin, les lois