Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
LITTÉRATURE DE L’ARCHIPEL D’ASIE.

de l’Inde, qui, par la navigation intérieure, arrivaient jusque dans la Syrie, et de là passaient aux mains des marchands italiens ou lombards, qui les répandaient dans toute l’Europe. La seconde période est celle pendant laquelle l’Égypte, soumise à la puissante domination des sultans mamelouks, vit, dans la seconde moitié du XIIIe siècle, les Vénitiens, dépossédés par les Génois du commerce de la mer Noire, venir chercher dans le port d’Alexandrie les denrées de l’Inde apportées par la mer Rouge et le Nil.

Tout le monde sait la haute importance du commerce oriental pendant les deux périodes que je viens d’indiquer, l’activité qui en marqua le développement, malgré les bulles des papes qui interdisaient, sous peine d’excommunication, tous rapports avec les infidèles, et le degré de splendeur auquel parvinrent, en s’y livrant, Venise, Gênes et les autres villes commerçantes de l’Italie.

Les documens nous manquent pour déterminer dans quelle proportion les productions de l’archipel d’Asie entraient dans le commerce général de l’Orient avant la découverte du cap de Bonne-Espérance. La richesse et l’abondance de ces productions nous autorisent à penser que cette proportion fut très forte, et rien ne prouve qu’elle fut alors moindre qu’elle ne l’a été depuis l’époque où le chiffre nous en est connu, et où il a été toujours très considérable.

À l’appui de cette induction, nous avons le témoignage de Marco Polo, qui visita l’archipel d’Asie à la fin du XIIIe siècle. D’après la nature des observations du voyageur vénitien, il est évident qu’elles s’appliquent pareillement à un état de choses antérieur à l’époque où il vivait. « L’île de Java, dit-il, abonde en riches productions. Le poivre, la noix, muscade, le girofle, etc., ainsi que toutes les autres épices les plus estimées, naissent dans cette île. Ces richesses y attirent un grand nombre de vaisseaux chargés de marchandises sur lesquelles on fait des profits considérables. La quantité d’or que l’on y recueille est au-delà de tout ce que l’on peut calculer ou imaginer. C’est de cette île que les marchands de Zaï-Toun et de Mandji ont importé et importent encore aujourd’hui ce métal en très grande quantité, et que l’on retire la majeure partie des épices qui se consomment dans le monde entier[1]. » Marco Polo parle aussi du commerce immense qui se faisait dans le port de Malaca, et de la richesse des productions végétales qui se trouvaient dans l’île de Sumatra, désignée dans la relation du voyageur vénitien sous le nom de Java la meneur.

  1. Liv. III, chap. VII.