L’esprit seul peut plonger plus loin que ta surface.
Sur ton front éternel nul sillon ne fait trace ;
À ton empire il n’est ni terme, ni milieu ;
Qu’es-tu, vieil Océan, si tu n’es pas un dieu ?
Et toi que rien ne heurte en ta route azurée,
Toi dont les pas égaux mesurent la durée,
Feu voyageur, Soleil ! qui t’a donné l’essor ?
Si tu n’as ni coursiers, ni char, ni rênes d’or,
Si tu n’as pas d’un dieu l’étincelant quadrige,
Qu’elle force t’entraîne et quel bras te dirige ?
Les êtres, ô Cybèle, en toi multipliés,
Venaient boire à ton sein et jouer sur tes pieds ;
Mais, ô Terre, ô nourrice, ô mère qu’on délaisse,
L’homme aime mieux t’avoir esclave que déesse,
Et trouve, hélas ! plus doux tes dons de chaque jour
S’il les doit à sa force et non à ton amour !
Sèvre ce rude enfant qui brise sa lisière,
Et bois mêlé de sang le lait qu’offre sa mère !
Tarisse ta mamelle et ton flanc dévasté,
Ô Terre ! c’en est fait de ta divinité !
Dans le champ paternel que l’Ilissus arrose,
Lorsque je vis Myrto cueillant le laurier-rose,
L’amour ne chantait pas encore dans son cœur.
Elle me désolait avec son air moqueur,
Près d’elle sans rougir m’attirait sur les gerbes ;
Quand elle avait couru tout le soir dans les herbes,
Et trouvé quelque nid, rien ne lui manquait plus ;
Elle avait cependant ses quinze ans révolus,
Et, sans qu’une étincelle allât jusqu’à son ame,
L’enfant ! elle jouait sous mes regards de flamme !
J’immolai deux chevreaux dans le temple d’Éros,
Et le dieu réveilla ce marbre de Paros.
Myrto m’avait quitté pour le Thébain Évandre ;
Ni larmes ni présens n’obtenaient un mot tendre ;
Ses yeux, muets pour moi, parlaient à l’étranger ;
Quel caprice ou quel philtre avaient pu la changer ?