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tirent le besoin de fournir au lecteur les preuves de ce qu’ils avançaient, et l’on sait que, dans son immortelle Histoire de Florence, l’auteur du Prince n’a pas fait une seule citation. Plus tard, il est vrai, on commença à publier des recueils de pièces historiques, et à réunir les actes et les bulles des papes ; cependant c’est surtout dans le siècle dernier que l’on sentit la nécessité de donner les preuves de l’histoire, et qu’on fit paraître des collections considérables de pièces originales relatives à l’histoire italienne. On connaît assez en France les grands travaux de Muratori qui, non content d’avoir réuni en vingt-huit volumes in-folio les chroniques les plus importantes sur les diverses provinces de l’Italie, mit au jour les Annales, et ces Antiquités du moyen-âge remplies de la plus profonde érudition, et où toutes les parties de l’histoire de la Péninsule étaient discutées avec une admirable sagacité. On conçoit à peine aujourd’hui ces vies consacrées uniquement à l’étude, et l’on ne sait assez admirer ces hommes qui, pendant cinquante ans, poursuivaient sans relâche un travail, et produisaient, comme Muratori, un si grand nombre de volumes sur toutes les branches de l’histoire et de l’érudition. C’étaient là des savans de l’école de Du Cange, dont les journaux du temps, lorsqu’il fit paraître son grand Glossaire de la latinité du moyen-âge, disaient que « ce qu’il y avait encore de plus extraordinaire, c’était qu’un tel ouvrage n’eût coûté à l’auteur que vingt années de travail ! » Les journaux de notre temps ne sont plus forcés d’enregistrer de ces sortes d’éloges.

Outre les ouvrages de Muratori, qui sont répandus dans toute l’Europe, il a paru, dans le dernier siècle, en Italie, beaucoup d’autres travaux presque aussi importans et qui ne sont guère connus en-deçà des Alpes. Pour n’en citer que deux, les recherches de Giulini sur la Lombardie, en douze gros volumes, les chroniques et les antiquités du Picenum, par Colucci, en trente-un volumes in-folio, sont des recueils indispensables pour quiconque veut étudier à fond l’histoire italienne. Ils contiennent une foule de pièces qu’on chercherait vainement ailleurs ; et si l’on considère que depuis Charlemagne l’histoire de l’Italie n’a jamais cessé d’être étroitement liée à celle de la France, on comprendra tout l’intérêt que les savans français doivent attacher à ces collections. Soit qu’ils se rapportent, comme les travaux de Giulini, à ce duché de Milan que la France a possédé à plusieurs reprises ; soit, comme les recueils de Caruso et de Gregorio, qu’ils aient pour objet le pays où les Normands fondèrent un royaume,