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VOYAGE DANS L’ABYSSINIE MÉRIDIONALE.

regagna la mer Rouge, et revit Moka et Djedda. Dans ce dernier port, il fut accueilli de la manière la plus bienveillante par M. Fresnel, notre agent consulaire, dont la distinction égale l’érudition. Au dire de M. Rochet, les connaissances de ce consul dans la langue arabe sont telles, que les chérifs des villes saintes viennent parfois le consulter sur les passages du Koran qui présentent un sens obscur et se prêtent à des interprétations douteuses. On comprend quelle influence doit donner à un fonctionnaire une science si éprouvée, unie au caractère le plus honorable. Djedda fut la dernière halte de M. Rochet dans la mer Rouge, il s’embarqua pour Suez, et remit les pieds sur le sol de l’Égypte, après douze mois de courses aventureuses.

Tel est l’itinéraire de M. Rochet. Il mérite, à divers titres, d’être étudié, et fournira sans doute des documens utiles à la géographie. Rien n’était plus incertain, dans les traités et sur les cartes, que la position de ce royaume de Choa, dont l’existence est entièrement distincte de celle de l’Abyssinie septentrionale, et qui a sa force propre, sa physionomie, son caractère. Ce qu’en disent Maltebrun et M. Balbi est à la fois erroné et incomplet. On peut s’en assurer par une simple comparaison avec les renseignemens que renferme ce travail. La carte de Salt, qui semble avoir servi de calque aux cartes plus récentes, est une œuvre de pure fantaisie, quant à la délimitation générale et au gisement des villes. Salt n’était point allé dans le Choa, et il a dû tracer ses lignes géographiques un peu au hasard, en s’aidant des vieux auteurs portugais. Ainsi, le cours de l’Hawache, que M. Rochet a éclairé, se trouve entièrement fautif chez Salt. La latitude du lac d’Aoussa, dans lequel cette rivière va se perdre, doit être reportée à deux degrés environ vers le nord. M. Rochet a pu s’assurer de cette différence, et il l’eût mieux précisée, s’il avait eu à sa disposition des instrumens astronomiques. Mais ce voyageur n’est pas homme à s’en tenir là. Dans une première excursion, il a indiqué la topographie, à peu près inconnue, du désert des Adels ; il veut retourner dans cette contrée encore pleine de mystères. Au sud du Choa s’étend une suite de plateaux dont le père Fernandez semble seul avoir eu connaissance. Ce sont le Cambat, le Djingiro, l’Anaria, improprement nommé Narea, qui, en acceptant comme vraies les indications actuelles des cartes, devrait toucher aux fabuleuses montagnes de la Lune. Vers le sud-ouest du Choa gît un pays beaucoup plus connu, celui d’Harrar, dont il a été question, mais d’où le fanatisme religieux a jusqu’ici éloigné les voyageurs. M. Rochet veut parcourir ces régions ignorées, et asseoir enfin cette por-