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tion de la carte d’Afrique sur autre chose que des hypothèses. Cette fois, il part avec des instrumens de précision, que l’Académie des Sciences lui a fait remettre à la suite d’un rapport où les résultats géologiques de son voyage sont savamment appréciés. Notre voyageur rêve plus encore ; il ose se promettre de traverser l’Afrique dans sa largeur, en allant de l’Abyssinie à la côte de Gabon. C’est une ambition bien grande, bien dangereuse ; mais une semblable disposition d’esprit n’en mérite pas moins les sympathies de l’opinion et les encouragemens de l’état.

Il est aussi d’une bonne politique d’accréditer, à l’aide de nos voyageurs, l’influence française dans cette contrée. En retour des présens que le roi du Choa a envoyés au roi des Français, M. Rochet portera d’autres présens. Notre gouvernement a songé déjà à une alliance avec les souverains dont les états débouchent sur la mer Rouge. Oubi, gouverneur du Tigré, nous semble dévoué, et un agent consulaire, M. Alexandre Deboutin, occupe la résidence de Massouah. La corvette la Favorite est en route pour la station des mers arabiques et de l’Océan Indien ; notre commerce lui-même s’éveille, et des armemens se préparent pour cette destination ; enfin, la propagande religieuse se mêle à ces divers efforts, et M. d’Abadie, actuellement sur les lieux, y oppose l’apostolat catholique à la prédication luthérienne. Pour que l’Abyssinie entière soit influencée dans le même sens, il importe qu’on agisse également sur le royaume de Choa, qui, par l’Harrar et le pays des Adels, aboutit au golfe d’Aden. Réunis dans un intérêt commun, ces divers états pourraient armer deux cent mille cavaliers, et descendre au besoin dans la vallée de l’Égypte pour s’y opposer aux empiétemens de la politique anglaise.

Un but commercial des plus importans pourrait en outre se rattacher à cette négociation. On a parlé d’établir des paquebots à vapeur entre l’île Bourbon et l’isthme de Suez. Ce serait un grand effort pour un résultat limité. Il faut accroître l’importance de nos colonies dans les mers des Indes, avant de songer à ce dispendieux service, et il serait puéril d’avoir le luxe d’un commerce dont nous n’avons pas les élémens. Que cette ligne de paquebots se fonde, soit, mais qu’elle se féconde en même temps. Madagascar est à nous : la date, les souvenirs, les sacrifices, les traités politiques, tout y protège nos établissemens. Le climat seul nous en a éloignés jusqu’ici ; mais, en cherchant une zone salubre, et Madagascar en renferme plusieurs, cet obstacle disparaîtrait. Cette île, dont le sol est des plus riches, offrirait à la fois un grand foyer de production, un entrepôt considé-