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Page:Revue des Deux Mondes - 1844 - tome 7.djvu/635

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THÉÂTRE MODERNE DE L’ESPAGNE.

de la procédure que le zélé Mendoza s’était mis déjà en devoir d’entamer. Sur un seul point, M. Gil y Zárate ne s’est pas écarté de la vérité historique : de concert avec Rocaberti, le prédécesseur de Mendoza, Froïlan, cela est certain, a pratiqué l’exorcisme sur le roi Charles II ; mais qu’est-ce donc que cela prouve, sinon que Froïlan et Rocaberti croyaient à la sorcellerie comme la plupart des Espagnols de leur temps ? Nous avons sous les yeux un procès-verbal de l’inquisition, dressé à Saragosse, le 4 juin 1640, contre don Pedro Arruebo, seigneur de Lartosa, condamné au fouet et aux galères pour avoir livré à Satan plus de six cents personnes, dans le seul royaume d’Aragon. Et que parlons-nous de l’Espagne et de 1640 ? Ceux qui, en plein XIXe siècle, ont visité nos provinces pyrénéennes, savent bien si la foi en la puissance de l’exorcisme est un dogme qui se puisse retrancher aisément de la religion du midi.

C’est de lui-même, au demeurant, que M. Gil y Zárate a quitté les voies excentriques, non pour revenir au genre classique, — après Don Carlos el Hechizado, c’était là un retour impossible, — mais pour se rallier étroitement à l’école nouvelle inaugurée par le Don Alvaro de M. le duc de Rivas. M. Gil y Zárate a depuis composé un assez grand nombre de comédies et de drames dont l’intrigue et le dialogue rappellent à quelque degré les meilleures pièces de l’ancien théâtre espagnol. Quatre de ces drames, Don Alvaro de Luna, un Monarca y su privado (un Monarque et son favori, Philippe IV et Olivarès), el Gran Capitan (Gonzalve de Cordoue), Masaniello, ont pour sujet des évènemens historiques, et il serait inutile d’en entreprendre ici l’analyse : qui ne sait à quoi s’en tenir sur la révolte des lazzaroni, sur les prouesses de Gonzalve, sur les intrigues et les galanteries de la cour de Philippe IV, sur la chute du connétable Alvaro de Luna ? Si à toute force on voulait établir des analogies entre ces œuvres et quelques monumens du théâtre moderne en Europe, ce n’est point chez nos dramaturges qu’il les faudrait chercher, mais bien plutôt dans le Comte d’Egmont de Goethe et la Marie Stuart de Schiller. Dans les autres pièces de M. Gil y Zárate, Matilde, Rosmunda, Cecilia la ciguecita (Cécile l’aveugle), l’action est exclusivement défrayée par l’amour ou l’ancienne loyauté castillane ; ce sont particulièrement les mérites du style qui leur ont valu un accueil favorable sur les scènes del Principe et de la Cruz. Le drame de Don Guzman el Bueno est le titre durable de M. Gil y Zárate ; cette pièce reproduit également les vieilles mœurs espagnoles, et dans un style qui est, à notre avis, le point d’arrêt du poète : il importe de s’y arrêter. Nous aurons montré comment don