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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1064

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Français une nuance plus affectueuse. Il y a certainement dans ce qui concerne l’empereur de Russie une nuance plus politique. On dit, d’une part, « que cette entrevue personnelle n’aura pas manqué d’augmenter encore les relations amicales qui ont existé depuis long-temps entre l’Angleterre et la Russie. » On dit, de l’autre, « que la visite du roi des Français a été d’autant plus agréable qu’elle avait été précédée de débats fâcheux, et qui avaient troublé la bonne intelligence entre les deux pays. » S’il y a là une préférence politique, où est-elle ? Veut-on quelque chose de plus clair encore ? Voici le discours de lord Camden, membre ministériel de la chambre des pairs, chargé, selon l’usage, par les ministres eux-mêmes de présenter l’adresse. Selon lord Camden, le grand avantage du voyage du roi des Français, c’est qu’il donne une garantie nouvelle à la paix. Quant au voyage de l’empereur de Russie, c’est autre chose. « Mylords, s’écria lord Camden avec feu, l’alliance de la Russie avec ce pays est de très ancienne date. Elle est une des plus anciennes qui existent en Europe, et rien ne peut plus contribuer que la visite de l’empereur à la permanence et à l’extension de cette alliance. » Tous les orateurs d’ailleurs dans l’une comme dans l’autre chambre s’étudient, quand il est question de la France, à éviter le mot d’alliance tant prodigué chez nous. « Point d’alliance entre les deux pays, dit lord Brougham lui-même ; amitié et bonne intelligence, mais point d’alliance. » Tel est également à la chambre des communes le langage de M. Thomas Baring, qui appuie l’adresse.

Encore une fois, je suis loin de prétendre que les hommages rendus en Angleterre au roi des Français aient dû trouver la France indifférente. Je me borne à protester contre le sens exagéré que voulait leur donner une politique faible et vaine. Je me borne à placer en face des forfanteries de cette politique les faits simples et vrais. La situation des deux pays, les vues des deux cabinets, les sentimens des deux peuples, tout cela est après le voyage du roi le même qu’avant ce voyage. Dire le contraire, c’est vouloir se tromper soi-même ou tromper les autres ; c’est prendre ou essayer de faire prendre l’apparence pour la réalité, la surface pour le fond.

Qu’on porte d’ailleurs ses regards sur tous les points du globe, vers le Sénégal, vers l’Amérique, vers la Chine même, et qu’on dise s’il en est un seul où, à l’heure qu’il est, la France et l’Angleterre agissent vraiment de concert. Qu’on dise s’il en est un seul où il n’y ait pas querelle ouverte ou déguisée. Où est donc, il faut le demander encore,