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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1065

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ce que M. le ministre des affaires étrangères nous annonçait l’an dernier, où est le rétablissement sincère et cordial de l’alliance anglaise ? où est l’inauguration de la vraie paix, de cette paix qui, aux vieilles jalousies et à la lutte sourde des influences, substituait l’union réelle des esprits et des cœurs ? M. le ministre des affaires étrangères y croit sans doute encore, puisque cette année même, au milieu de la discussion de l’adresse, il se vantait d’avoir apporté quelque chose de nouveau, de grand, de rare, dans nos rapports avec l’Angleterre. « La France, disait-il, a souvent été en paix et en rapports amicaux avec l’Angleterre ; mais au fond de cette paix, derrière ces bons rapports subsistait toujours un esprit de rivalité jalouse, méfiante, hostile… Il n’en est plus de même aujourd’hui. » Il n’en est plus de même aujourd’hui ! En vérité, quand on entend de telles paroles, on est tenté de dire comme M. Guizot dans une autre occasion : « Je crois rêver. »

J’en ai assez dit, je pense, pour prouver qu’à aucune époque les rapports de l’Angleterre et de la France n’ont été plus difficiles, plus fragiles, plus menaçans. J’en ai assez dit pour montrer que le programme de 1844 a échoué dans toutes ses parties, et qu’il n’en reste pas trace. Cela posé, il est un dilemme bien simple. De deux choses l’une : ou bien l’alliance anglo-française, l’entente cordiale, comme vous l’appeliez il y a dix-huit mois, est impossible, et, dans ce cas, vous aviez bien mal apprécié la situation des deux pays, ou bien elle est possible, et vous avez été bien malhabiles. Quoi qu’il en soit, bonne ou mauvaise, par la faute des hommes ou par la force des choses, votre politique a péri ; ce n’est pas, quoi que vous en pensiez, quoi que vous en disiez, votre nouveau traité qui la fera revivre. Encore une fois, ce traité ne vous appartient pas. Il appartient à la chambre qui vous l’a imposé, à la chambre qui, dans cette occasion, a mis deux fois, trois fois, sa volonté à la place de la vôtre. Fasse le ciel d’ailleurs que, forcé de résister sur un point, vous ne vous en soyez pas dédommagé en cédant sur d’autres ! Fasse le ciel que la France n’apprenne pas un jour que vous avez payé au Texas ou ailleurs plus que vous n’avez reçu !

Il importe maintenant de faire un pas de plus et de rechercher quels doivent être, quels peuvent être aujourd’hui et dans un prochain avenir les rapports de la France et de l’Angleterre. C’est, je le sais, un sujet difficile et délicat. Je tâcherai, en l’abordant, de rester dans les limites d’une entière impartialité.

Il y a deux opinions extrêmes dont chacune a trouvé et trouve encore