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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1084

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de demander aux hommes d’état, quels qu’ils soient, une moralité, une honnêteté, une droiture, qui n’existent pas dans le pays ; whigs, tories, radicaux, tous s’accordent pour insulter grossièrement, indignement, les hommes qui, dans tous les partis, honorent le plus la France. Pendant quelque temps, M. Guizot seul était épargné : il ne l’est plus, excepté dans deux ou trois journaux qui sont sous la dépendance directe de sir Robert Peel ; mais, il faut en convenir, ce sont les whigs qui, dans ce honteux concert, font la partie principale. J’ai sous les yeux une revue écrite notoirement sous la direction de lord Palmerston, rédigée par le frère de son secrétaire, et à laquelle il fait de fréquentes communications. Je rougirais d’indiquer ici les calomnieuses insultes que cette revue (Foreign Quarterly Review) adresse confusément, dans son dernier numéro, à M. Thiers, à M. Guizot, à M. Molé. Est-ce ainsi, je le demande, que, malgré nos justes ressentimens, nous avons, à aucune époque, parlé de sir Robert Peel, de lord John Russell, de lord Stanley, de M. Macaulay, de sir James Graham, de lord Palmerston lui-même ? Et cependant, dans le triste conflit de 1840, ce n’est pas l’Angleterre qui a été abandonnée, offensée, humiliée, ce n’est pas l’Angleterre dont les intérêts et la dignité ont reçu la plus déplorable atteinte.

Je ne cite point ces faits dans un esprit misérable de récrimination. Les orateurs et les écrivains de l’Angleterre peuvent dire des hommes d’état français et de la France tout ce qu’il leur plaît, j’espère que nous nous respecterons toujours assez nous-mêmes pour ne pas les imiter, et pour conserver l’avantage du bon goût et des convenances ; mais je voudrais du moins que, dans leur ardeur pour l’entente, certains organes ministériels à Paris n’eussent pas l’éternel parti pris de placer les torts où ils ne sont pas et de décrier la tribune et la presse française au profit d’une tribune et d’une presse cent fois moins modérées. Je voudrais qu’ils se souvinssent quelquefois de ce qui se fait, de ce qui se dit, de ce qui s’imprime à Londres, et que leur indignation, leur colère contre quiconque travaille à brouiller les deux pays, allât, de temps à autre, à la véritable adresse. Je voudrais, en un mot, qu’en France on s’étudiât moins à donner raison, toujours raison à ceux qui déchirent la France. Personne, on le sait, n’est moins disposé que moi à méconnaître ce qu’il y a en Angleterre de grandeur et de puissance. Personne n’est moins disposé à éprouver pour un tel pays, pour un tel peuple, les sentimens d’une haine étroite et d’une aveugle rancune. Jusqu’à 1840, j’avais beaucoup espéré de l’alliance des deux grands états constitutionnels de l’Europe : je ne