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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/1122

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M. Brizeux, dans les Ternaires, a chanté à peu près le même motif. Il a célébré avec noblesse le chêne de Bretagne :

De feuilles et de glands les branches sont couvertes :
Amis, chantons le chêne, honneur des forêts vertes !

Or, la différence des deux poésies est ici bien marquée et intéressante à saisir ; si je trouve beaucoup de douceur dans les vers allemands, combien il y a plus de vigueur et de solidité dans les strophes françaises ! L’idylle germanique devient un hymne plein de mouvement et de fierté. M. Brizeux, en finissant, écarte avec bonheur l’idée de la mort, et là où le rêveur des bords du Danube voit pour mission dernière le calme et le repos de la tombe, le barde breton ouvre à son chêne robuste la seconde phase d’une vie active :

Si l’âge fait tomber ce géant de Cornouaille,
Dans ses immenses flancs qu’un navire se taille :
A l’œuvre, charpentier ; puis, venez, matelots !
Le roi de la colline est aussi roi des flots.

Que M. Beck ne me reproche rien ; je ne fais pas ce rapprochement pour nuire à ses vers ; je voudrais pouvoir le comparer plus souvent aux poètes que nous aimons. Pourquoi ces pages calmes, paisibles, ne sont-elles pas plus nombreuses dans son livre ? Elles rompraient la monotonie d’une inspiration trop ambitieuse. La pièce suivante est aussi pleine de finesse, et l’adroite dissimulation avec laquelle l’auteur prépare le coup qu’il veut porter n’y ôte rien à la franchise du sentiment poétique ; je la citerai d’ailleurs, parce qu’elle se rattache à toute une série de chansons anti-romaines qui s’accroît de jour en jour dans la poésie allemande. Les vieux refrains du XVIe siècle sont repris et développés de mille façons ; les railleries de Bebel, les rudes pamphlets d’Ulric de Hutten, redeviennent une source commune où chaque poète va puiser. M. Herwegh, bien qu’il semble uniquement occupé du roi de Prusse, a trouvé cependant des accens tout aussi furieux contre ceux qu’il appelle les papistes. On sait toutes les audacieuses moqueries de M. Henri Heine. Hier encore, dans un recueil nouveau publié avec M. Prutz, dans le Deutches Taschenbuch, M. Hoffmann de Fallersleben essayait de rajeunir cette vieille plaisanterie qui n’est plus guère de notre temps. Voici les strophes élégantes et railleuses de M. Beck :

« Les premiers flocons de l’hiver venaient de tomber sur l’herbe appauvrie des champs, comme on voit les premiers cheveux blancs sur la tête d’une femme au lendemain de la jeunesse.