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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/129

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de visite paraissaient peu considérables. Après le traité de 1835, une panique s’empara des traitans de Cuba ; beaucoup renoncèrent au commerce, et les compagnies ne voulurent assurer que le voyage de retour. Pour les deux voyages, elles demandaient le taux énorme de 40 pour 100 ; mais peu à peu le courage revint, et les assurances sont retombées à 20 pour 100. C’est en 1837 seulement que se forma à Rio la première compagnie d’assurance pour la traite ; elle se composait d’une dizaine de capitalistes. La compagnie n’assurait que contre les risques de la capture par les croiseurs, encore elle n’assurait que la moitié de la cargaison, afin d’être certaine que le capitaine ne négligerait aucune des précautions commandées par la prudence. Le taux est de 8 à 10 pour 100. Cette compagnie a prospéré rapidement ; la semaine même où elle commença ses opérations, trois négriers assurés par elle entrèrent au port et lui donnèrent un bénéfice de 13,000 milreis (92,000 francs), ce qui, à 10 pour 100, porterait la moitié des négriers assurés à 130,000 milreis, et la valeur totale de trois négriers à 260,000 milreis.

On se sert maintenant pour la traite de bâtimens construits aux États-Unis, et où tout est sacrifié à la légèreté et à la vitesse : on tient aussi à ce que les bâtimens tirent très peu d’eau, afin de pouvoir remonter le plus loin possible les rivières d’Afrique, et d’y être à l’abri des croiseurs. Il en résulte que ces bâtimens sont très petits et surtout très étroits, ce qui double les souffrances des malheureux qu’on entasse dans leurs flancs. Jadis le négrier portait lui-même à la côte d’Afrique tout son équipement et les objets d’échange : le capitaine achetait lui-même les nègres à la côte ; mais de cette façon l’expédition était d’assez longue durée, et partant dangereuse. Plus le navire s’arrête près des côtes d’Afrique, plus il risque d’être rencontré par les croiseurs ; le négrier courait ensuite le danger d’être capturé en se rendant à la côte : un navire est saisissable en effet lorsqu’il a à bord des articles de traite. On eut recours alors au procédé suivant, qui mettait à l’abri de tout risque et permettait d’économiser l’assurance du premier voyage. On exigea des constructeurs des États-Unis que le navire, muni de tous les objets nécessaires, se rendît à la côte d’Afrique avec des papiers et sous le pavillon américains ; on se mettait ainsi parfaitement à l’abri des croisières anglaises. Aux îles du Cap-Vert ou à Saint-Thomas, un transfert de propriété apparent, une vente simulée, avait lieu, et le navire d’américain devenait portugais ; les autorités portugaises délivraient les certificats et toutes les pièces nécessaires avec la plus grande facilité et au plus juste prix. Le navire alors se rendait