Aux premiers jours de la restauration, et lorsque les Cosaques
campaient encore dans la cour du Louvre, naquit, dans un vieux château
de province, un enfant qu’on appela Éric. Il naquit bon de parens
honnêtes, deux circonstances heureuses qui se rencontrent encore
quelquefois. Sa naissance causa une si grande joie dans une famille
qui allait s’éteindre, qu’on ne fit guère attention, dans ce coin de
terre, aux désastres de la patrie : la famille est égoïste, et les malheurs
publics ne l’atteignent pas toujours, s’ils coïncident avec ses félicités
particulières. Éric fut un enfant précoce et charmant, donc on ne négligea
rien pour le gâter; mais il sut rester modeste , ce qui était du
meilleur augure. Il grandit sous les caresses, et ses dons heureux, au
lieu de s’étioler dans la serre chaude où on se plaisait à les renfermer,
se développèrent comme par enchantement, si bien que, vers sa quatorzième
année, il possédait réellement des qualités rares du cœur et
de l’esprit, et que l'on pouvait présager, sans trop de complaisance,
qu’il serait un jour l’orgueil de sa famille comme il en était le charme.
Hélas ! ce fut au milieu de toutes ces espérances que son père et sa
mère moururent à peu d’intervalle l’un de l’autre. Ce coup terrible, il
le ressentit profondément, car il en comprit toute l’étendue. Sa douleur
fut long-temps morne et sombre, et elle ne se calma un peu