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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/544

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rejet de sa proposition et ne fit pas de grands efforts pour le prévenir, c’est qu’il savait à quel point elle blessait tous les préjugés du roi. On a conservé une lettre de George III, écrite peu avant le jour de la discussion, dans laquelle ce prince, tout en promettant à son ministre de ne rien faire pour empêcher le succès de sa tentative, ne lui dissimule pas combien il en est contrarié. Dans une telle situation, Pitt, eût-il gardé toute l’ardeur de ses premiers sentimens, ne pouvait guère la porter dans ses actes. Ce fut son dernier combat en faveur de la réforme.

Les évènemens de la politique extérieure prirent, cette année, un degré d’importance qu’ils n’avaient pas eu depuis la fin de la guerre. L’ambition inquiète de l’empereur Joseph II fut le mobile principal des mouvemens qui agitèrent les cabinets. D’une part, l’empereur pensait à se fortifier en Allemagne en échangeant contre la Bavière la possession précaire et embarrassante des Pays-Bas. Le vieil électeur était disposé à consentir à cet échange, que repoussait son héritier, le duc de Deux-Ponts. Un traité conclu à Berlin entre le grand Frédéric presque mourant, la Saxe et le Hanovre, pour le maintien des droits généraux du corps germanique et de ceux de ses membres, força l’empereur à abandonner ce projet. D’un autre côté, Joseph II poursuivait vivement contre la Hollande des prétentions plus que contestables aux termes des traités européens, et dont la plus importante tendait à rouvrir le port d’Anvers, si menaçant pour la prospérité commerciale de la république des Provinces-Unies, en abolissant la clôture conventionnelle de l’Escaut. Les Hollandais, hors d’état de résister seuls à un tel adversaire, ne pouvaient se soustraire à ses exigences que par l’appui de quelque grande puissance. Ils paraissaient depuis long-temps enclins à chercher un refuge dans la protection du gouvernement français, qui comptait parmi eux de nombreux partisans. Le cabinet de Londres avait essayé de les en détourner en ouvrant des négociations pour accommoder le différend dans lequel ils se trouvaient engagés avec la cour de Vienne ; mais ses efforts échouèrent contre l’habileté du cabinet de Versailles. C’est ce cabinet qui eut l’honneur de terminer la contestation. Par un traité conclu sous sa médiation à Fontainebleau, l’empereur renonça à presque toutes ses prétentions, moyennant le paiement de quelques millions dont la France fit don à la république. Un aussi grand service ne resta pas sans récompense ; deux jours après, un autre traité établit entre la France et la Hollande une alliance fondée sur la garantie réciproque des territoires des deux états et des libertés hollandaises, sur l’engagement