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luisait si doucement dans tes regards, que l’Amour l’emporta, et que je m’approchai plein de confiance. Et cet aimable guide, ce courtois ami, dont l’image me sera toujours chère et honorée tant que la vie à flots de pourpre arrosera mes veines, se tournant vers moi, et soulevant gracieusement ta main qu’il tenait, faisait le geste de me l’offrir. Je m’enhardis alors, et je tendis la main… »


L’amitié, avec les ans, restera toujours la même ; elle continuera de mûrir entre les deux amis, et acquerra plutôt, en vieillissant, des saveurs croissantes, des qualités plus consommées. Mais il n’est qu’un âge où il lui soit donné de se montrer, pour ainsi dire, dans cette grace pudique et avec cette noble rougeur au front, âge aimable et rapide, véritablement le seul où, selon le beau mot du poète, la vie à flots de pourpre arrose nos veines !

Nous aurions trop à dire si nous voulions épuiser, ou simplement énumérer en détail les autres travaux et les autres relations de Fauriel durant ces années de l’Empire qui furent pour lui si remplies et si fécondes. Il n’est presque aucune voie d’études et de connaissances dans laquelle nous ne puissions saisir sa trace cachée, mais profonde, mais certaine. On vient de l’entrevoir un maître plein d’autorité en littérature et en diction italienne ; il s’exerçait à composer dans cet idiome des sonnets dont Manzoni était le confident ; il remontait aux plus anciens auteurs toscans, Fra Guittone, Guido Cavalcanti, Cino di Pistoia, et autres devanciers ou contemporains du Dante, et en ramassait les pièces rares. Ginguené, qui publiait vers cette époque son Histoire littéraire d’Italie, recevait de lui des indications érudites et ne pouvait espérer de juge plus compétent ni plus bienveillant[1]. Micali, dans le même temps (1813), s’en remettait à lui pour qu’il voulût bien surveiller et annoter la traduction française de son ouvrage (l’Italie avant les Romains[2]) - La langue et la littérature grecque lui étaient familières ; ses travaux sur le stoïcisme l’y avaient introduit très directement, et il devait, avant de publier ses Chants populaires de la Grèce moderne, s’y perfectionner encore. On le trouve, dès 1803, reconnu helléniste par Boissonade, et surtout en relation étroite avec les Grecs modernes les plus instruits, Mustoxidi, Basili ; ce dernier lui

  1. Les trois articles du Mercure de France (décembre 1812 et janvier 1813) sur les tomes IV et V de Ginguené sont de Fauriel.
  2. Les évènemens politiques apportèrent de grands retards à cette publication. Micali eut le temps de donner dans l’intervalle sa seconde édition, et ce fut M. Raoul-Rochette qui, en 1821, se chargea de revoir pour la dernière moitié et de mener à bonne fin la traduction française.