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désoler la France, on leur montra, dans les souffrances de tant de victimes, une plus large carrière ouverte à leur philanthropie. Pitt rappela sèchement, pour affaiblir la commisération que pouvait exciter le sort de Lafayette, les doctrines d’insurrection qu’il avait le premier prêchées à la France. Burke et Windham ne rougirent pas de témoigner, par de révoltans sarcasmes, la joie qu’ils éprouvaient du châtiment infligé à un des premiers promoteurs de la révolution française.

Aux sentimens haineux et presque féroces que révélaient parfois ces débats, on sent l’influence de réaction qu’exerçaient les affreux excès du gouvernement révolutionnaire. Les idées de générosité et de tolérance n’avaient plus aucune chance de se faire écouter. Tout paraissait légitime pour conjurer le péril dont on se sentait menacé, et ces principes même de justice, de garanties légales, si puissans chez les Anglais, avaient beaucoup perdu de leur force dans un grand nombre d’esprits. Parmi les individus jugés en Écosse quelques mois auparavant pour leur participation aux manœuvres républicaines, il en était deux dont la condamnation avait produit une sensation très, vive. Muir, avocat de quelque renommée, et Palmer, prédicateur influent de la secte unitaire, étaient, malgré l’exagération de leurs opinions politiques, généralement estimés pour leur caractère personnel. Convaincus d’avoir distribué des écrits révolutionnaires, souscrit des adresses et prononcé des harangues séditieuses, ils avaient encouru la peine de la déportation à Botany-Bay. Un tel châtiment, appliqué à de tels hommes, semblait bien rigoureux. En Angleterre, il eût été impossible. En Écosse même, où le peu de précision d’une législation pénale rédigée dans des temps de barbarie protégeait moins efficacement les accusés, ce jugement ne pouvait s’expliquer que par les circonstances dans lesquelles on se trouvait alors. Il allait être exécuté, et déjà les condamnés avaient été déposés sur le bâtiment qui devait les transporter au-delà des mers. L’opposition entreprit de les sauver en provoquant la révision de leur procès par la chambre des lords. De puissans argumens furent présentés à la chambre des communes pour établir l’iniquité et même l’irrégularité de la sentence, mais Pitt, Dundas et les autres orateurs de la majorité affirmèrent que la loi écossaise avait été fidèlement observée, qu’elle n’admettait pas d’appel, que le parlement n’était pas compétent pour arrêter l’exécution d’un jugement, et une immense majorité sanctionna ces conclusions. A la chambre des lords, la malencontreuse intervention de lord Stanhope et de lord Lauderdale en faveur des condamnés eut moins de succès encore. Ils furent transportés à Botany-Bay.