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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/862

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Peu effrayées par cet exemple, les sociétés révolutionnaires persistaient dans leurs efforts pour transformer l’Angleterre en république. Les yeux fixés sur la France, c’était au moyen d’une convention qu’elles voulaient opérer ce changement, et les adresses des clubs, les provocations d’une presse déchaînée, les délibérations des assemblées populaires, les placards affichés dans les lieux publics, tendaient plus ou moins directement à ce résultat. Le gouvernement était sur ses gardes. A Édimbourg, il fit saisir des dépôts d’armes assez considérables. A Londres même, on arrêta les secrétaires des deux principales sociétés ; l’un d’eux, le célèbre Hardy, était un cordonnier. On s’empara aussi de leurs registres, de tous leurs papiers, et les informations qu’on y puisa amenèrent d’autres arrestations. Huit personnes furent mises en jugement après avoir été interrogées par le conseil privé. Sans attendre l’issue de ces poursuites, le gouvernement s’empressa de communiquer au parlement les découvertes qu’il venait de faire. Un message royal invita la chambre des communes à prendre les mesures dont la nécessité lui paraîtrait résulter de cette communication. Sur la motion de Pitt, un comité secret fut élu au scrutin pour examiner les documens trouvés chez les conspirateurs, et faire en conséquence les propositions convenables. Deux jours après, Pitt lui-même présenta, au nom de ce comité, un rapport dans lequel, après avoir démontré l’existence d’une vaste conspiration tramée depuis long-temps pour renverser la constitution, il proposa, comme moyen de salut, public, la suspension de l’acte d'habeas corpus, cette garantie fameuse de la liberté individuelle. L’opposition retrouva toute son énergie pour combattre les conclusions du rapport. Fox, Grey, Sheridan, entreprirent la justification des sociétés ; ils osèrent prétendre que leurs procédés étaient parfaitement légaux, parfaitement constitutionnels, qu’il n’y avait rien que de régulier et de pacifique dans leurs appels à une convention, que leurs efforts pour réformer ce qu’elles considéraient comme les abus de l’organisation sociale du pays n’étaient pas plus coupables que ceux qu’avaient faits jadis, pour obtenir la réforme parlementaire, d’autres sociétés inspirées alors par le duc de Richmond et par Pitt lui-même ; que les ministres, en répandant des alarmes mal fondées, se proposaient uniquement d’arracher aux terreurs du parlement des résolutions bien dangereuses sans doute, puisqu’elles porteraient atteinte à la pierre angulaire de la constitution, mais nécessaires à la prolongation de leur pouvoir ébranlé. Les imputations de duplicité, d’apostasie, ne furent pas épargnées à Pitt. Sheridan, fidèle à son habitude de mêler le sarcasme