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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/863

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et l’ironie aux plus véhémentes invectives, affecta de comparer au comité de salut public de la convention le cabinet britannique réclamant une sorte de dictature pour sauver le pays et de mettre en parallèle Barrère et Pitt. L’exagération de ces attaques en rendait la réfutation facile. Dundas prouva sans peine que la suspension de la liberté individuelle, regardée par les opposans comme une violation inouie de la constitution, avait été votée plus d’une fois dans des circonstances moins graves que celles qui se présentaient alors. Windham, avec sa verve caustique, ridiculisa le rapprochement forcé qu’on avait établi entre les projets de destruction rêvés par les anarchistes et les plans de réformes légales médités à d’autres époques par des hommes d’état ; il posa en principe que la force du gouvernement devait toujours être en rapport avec les nécessités auxquelles il avait à pourvoir, et il en tira la conclusion que, si la suspension de l’acte d'habeas corpus ne suffisait pas à lui donner cette force, on ne devrait pas hésiter à aller au-delà. Fox, affectant de prendre dans un sens positif cet entraînement de parole d’un orateur que son esprit hardi et paradoxal portait toujours à outrer la pensée de son parti, demanda vivement jusqu’où l’on voulait donc aller, jusqu’où l’on prétendait pousser l’horrible imitation des jacobins français, si les ministres, se proposant de régner comme eux par la terreur, avaient l’intention de supprimer le jury, si l’on ne craignait pas de pousser la nation à bout, si l’on ne comprenait pas que témoigner tant d’effroi, c’était encourager l’ennemi. Pitt, peu ému de ces emportemens déclamatoires dont il fit ressortir la vaine exagération, démontra, par l’exposé calme et lucide des faits, la tendance anarchique et criminelle des sociétés révolutionnaires. Sans prendre, comme Windham, un ton inutilement provocateur, il déclara que le gouvernement ne faiblirait jamais devant ses ennemis, et que bien décidé à ne pas pousser la répression au-delà des bornes de la nécessité, il saurait toujours l’y proportionner. Vainement, l’opposition essaya de retarder au moins le vote de la chambre en suscitant des incidens et en usant, avec la plus étrange subtilité, des facilités que lui donnait pour cela la forme compliquée des délibérations ; elle ne put réunir plus de vingt-huit voix contre le bill, qui, porté ensuite à la chambre des lords, n’y rencontra que neuf adversaires. Peu de jours après, les deux chambres, par une adresse dont les lords prirent l’initiative, exprimèrent au roi leur ferme volonté de ne lui refuser aucun des pouvoirs extraordinaires qui seraient jugés indispensables pour contenir les factieux.

Tandis que le parlement s’efforçait ainsi de fortifier le gouvernement