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de la chambre haute d’Irlande, les premiers renouvelés à chaque session par une rotation régulière, les autres élus à vie par leurs collègues, et cent députés des communes directement élus par le peuple, comme ceux de la Grande-Bretagne. L’église anglicane et l’église irlandaise étaient déclarées unies. Des précautions sagement combinées étaient prises pour protéger les intérêts commerciaux de l’un et de l’autre pays. Enfin il était stipulé qu’au bout de vingt-cinq années, les charges communes seraient réparties entre eux dans une proportion telle qu’un peu plus des sept huitièmes pesât sur la Grande-Bretagne.

Les débats qui s’engagèrent au sujet de ces propositions furent extrêmement vifs. Grattan se livra, contre le chancelier d’Irlande, à des personnalités dont ce dernier lui demanda raison. Dans le duel qui s’ensuivit, le chancelier fut blessé. La populace insulta, à la porte même du parlement, plusieurs des membres qui s’étaient prononcés en faveur du projet. Les résolutions n’en furent pas moins adoptées par les deux chambres, avec quelques légères modifications, à de très fortes majorités, et transmises au roi par une adresse commune. Il fallut alors reporter la question devant le parlement britannique, où elle devint de nouveau l’objet d’une discussion solennelle. Pitt y prit encore la part principale. Quelques personnes avaient exprimé l’idée que l’union devait se lier à une modification du système électoral, en d’autres termes, à la réforme parlementaire. Pitt saisit cette occasion d’expliquer encore une fois ses sentimens sur cette matière délicate, et de repousser les reproches d’inconséquence qu’on lui avait si souvent adressés. « Je crois, dit-il, que les opinions doivent être subordonnées aux temps et aux conjonctures, que les circonstances qui en sont la base venant à changer, elles doivent aussi se modifier et que la plus sotte vanité pourrait seule y mettre obstacle. Évidemment, les réformes que l’on a réclamées dans ces derniers temps sont aussi éloignées de celles que j’avais proposées à d’autres époques que de la constitution elle-même. J’ai vu les malheurs causés dans d’autres pays par de semblables changemens ; j’ai vu, dans le naufrage universel, l’Angleterre seule sauvée par sa constitution ; je n’hésite pas à dire que la forme de représentation nationale qui a suffi à une telle tâche ne doit pas être capricieusement abandonnée par un pur entraînement de théorie. Mon opinion parfaitement arrêtée est qu’alors même que les circonstances seraient plus favorables pour de semblables essais, tout changement, même le plus léger, que l’on apporterait à une constitution pareille à la nôtre, devrait être considéré comme un mal. » Pitt reconnut cependant que l’introduction, dans la chambre des communes