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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/930

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britanniques, d’un élément aussi hétérogène que les cent membres irlandais pouvait, à raison de la situation particulière de l’Irlande, faire craindre que la couronne ne prît dans cette chambre une influence démesurée. Pour obvier à ce danger, qu’il redoutait, dit-il, autant que personne, il suggéra l’idée de restreindre, pour un temps, à la proportion d’un cinquième, le nombre de ceux des députés de l’Irlande qui pourraient être pourvus d’offices amovibles. Vainement Grey, rappelant les moyens de corruption employés pour obtenir l’adhésion du parlement de Dublin, demanda que la délibération fût suspendue jusqu’à ce qu’on eût pu s’assurer des véritables sentimens de la nation irlandaise. Pitt repoussa, comme une inspiration anarchique, la pensée d’en appeler ainsi au peuple des décisions des pouvoirs constitutionnels. Les résolutions des chambres d’Irlande furent votées presque unanimement par celles de la Grande-Bretagne, moyennant quelques amendemens d’une importance secondaire. On les renvoya, par une adresse, à l’approbation du roi, et après l’accomplissement de quelques autres formalités, un bill, sanctionné dans les premiers jours de juillet, prononça enfin l’union des deux couronnes. Ainsi s’accomplit, après deux années d’efforts, un des actes les plus importans de l’administration de Pitt. Il s’était proposé tout à la fois de mettre la monarchie à l’abri des dangers auxquels l’exposait l’indépendance parlementaire de l’Irlande et d’améliorer le sort de ce pays. De ces deux objets, le premier seul fut atteint, autant du moins qu’il pouvait l’être sans que le second le fût également.

La session du parlement, qu’on avait prolongée pour terminer les arrangemens compliqués de l’union, fut close peu de temps après. Au moment où il se sépara, les évènemens de la guerre avaient déjà cruellement démenti les espérances qu’on exprimait si peu de temps auparavant. Ces espérances étaient grandes, malgré les revers qui, l’année précédente, avaient fait échouer en Suisse et en Hollande les attaques de la coalition, malgré le mécontentement de l’empereur de Russie et sa défection imminente, que le cabinet de Londres s’efforçait encore d’empêcher. Les hostilités avaient continué pendant tout l’hiver et pendant le printemps dans le nord de l’Italie, où les Autrichiens, secondés par une escadre anglaise et ne trouvant plus d’armée qui leur disputât le terrain, s’étaient emparés du petit nombre de places occupées jusqu’alors par les Français. Gênes même allait succomber malgré l’héroïque défense de Masséna, et on n’attendait que la reddition de cette ville pour tenter l’invasion de la Provence, où, sur la foi des promesses de quelques émigrés, on s’attendait à rencontrer de nombreux auxiliaires. L’Angleterre travaillait en