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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/936

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de diverse nature eussent été établies en même temps pour que les droits ainsi concédés à ceux qu’on avait long-temps proscrits sous le nom de papistes ne fissent courir aucun danger au maintien de l’église protestante ; un salaire accordé au clergé romain et qui l’aurait lié au gouvernement eût figuré parmi ces garanties. De telles innovations devaient blesser les préjugés de George III, nourri dans les idées d’une étroite intolérance. Pitt, par une imprudence qu’expliquent à peine l’excès de confiance et les habitudes impérieuses résultant d’une longue possession du pouvoir, négligea de s’assurer d’avance du plus ou moins de gravité de cet obstacle. Il paraît certain que son projet était déjà connu d’un grand nombre de personnes avant qu’il en eût entretenu le roi. On croit que le chancelier et d’autres membres du ministère qui n’approuvaient pas la pensée du premier ministre, profitèrent de cette négligence pour prévenir l’esprit du monarque contre la proposition qui allait lui être soumise. Aussi, lorsque la question fut posée, au moment de l’ouverture du parlement, dans le conseil de cabinet où l’on s’occupa de la rédaction du discours de la couronne, les objections très vives que présentèrent quelques-uns des membres de ce conseil furent énergiquement appuyées par le roi. Le serment qu’il avait prêté en montant sur le trône, de maintenir l’existence et les droits de l’église établie, ne lui permettait pas, disait-il, de consentir à ce qui pouvait les mettre en danger. Vainement Pitt et Dundas, tant dans des communications écrites que dans des entretiens particuliers, s’efforcèrent de lui démontrer que la mesure proposée pouvait se concilier avec des garanties parfaitement efficaces en faveur de la religion protestante. George III resta inébranlable, tout en exprimant le désir que ce dissentiment partiel ne le privât pas, pendant le temps qui lui restait encore à vivre, des services de l’homme à qui il avait, depuis dix-huit ans, donné toute sa confiance ; il alla même jusqu’à déclarer qu’il considérerait comme personnellement mal disposés envers lui ceux qui voteraient pour l’émancipation des catholiques. Pitt et la plupart de ses collègues se décidèrent alors à donner leur démission ; ils convinrent pourtant de garder leurs portefeuilles jusqu’à ce qu’on eût formé un nouveau ministère, et Pitt consentit même à présenter encore le budget.

Les choses étant ainsi réglées, la séance royale, qu’on avait jusqu’alors différée, bien que le parlement uni se fût constitué depuis plusieurs jours, eut lieu, le 2 février 1801, avec la solennité ordinaire. Le discours du roi roula principalement sur les avantages de l’union législative des deux grandes fractions de l’empire et sur la nécessité de repousser vigoureusement les attaques de la ligue maritime du Nord.