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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/937

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Ce dernier point fut celui auquel l’opposition s’attacha de préférence pour blâmer la conduite du gouvernement et l’accuser d’avoir, par sa maladresse, suscité contre l’Angleterre cette redoutable coalition. Pitt répondit que la puissance et la sûreté même de la Grande-Bretagne auraient été compromises, si elle eût laissé prévaloir les principes de droit maritime professés par les souverains du Nord. Les adresses furent votées par les majorités habituelles.

Malgré le secret qu’on avait gardé sur le dissentiment survenu entre le roi et les principaux membres du cabinet, le bruit d’un changement de ministère commençait à se répandre. Pitt dans la chambre des communes, lord Grenville et le comte Spencer dans celle des lords, ne tardèrent pas à déclarer qu’en effet ils avaient cru devoir compléter, par des mesures favorables aux catholiques, le bienfait de la loi qui venait d’unir l’Irlande à la Grande-Bretagne, que, n’ayant pu faire prévaloir une pensée qu’ils jugeaient essentielle à la tranquillité et à la prospérité du royaume, ils avaient dû offrir leur démission, que le roi l’avait acceptée, qu’ils n’attendaient plus, pour se retirer, que la nomination de leurs successeurs, qu’aucun changement ne serait apporté d’ailleurs à l’ensemble du système jusqu’alors suivi, et que, malgré des dissentimens de détail, ils appuieraient les nouveaux conseillers de la couronne tant que ceux-ci resteraient fidèles à la politique énergique qui pouvait seule sauver le pays. On savait déjà que la nouvelle administration aurait pour chef Henri Addington qui, depuis douze ans, présidait avec une rare distinction la chambre des communes. Les ministres démissionnaires s’exprimèrent sur son compte en termes très flatteurs. Addington prit la parole pour dire qu’en effet il avait déjà accepté la première place dans le cabinet qui allait se former.

Pitt présenta ensuite le budget comme il en était convenu. Les dépenses publiques continuaient à s’accroître. On avait cru nécessaire, pour cette année, d’élever à 135,000 hommes la force de l’armée navale, qui jusqu’alors n’avait jamais dépassé 120,000. La crainte d’une invasion française avait fait porter l’armée de terre à 193,000 hommes, non compris 110,000 miliciens et des corps nombreux de volontaires, L’expérience ayant démontré qu’on s’était exagéré les produits de l’impôt du revenu comme précédemment ceux du triplement des taxes, et qu’au lieu de 10 millions sterling il fallait les évaluer seulement à 6 millions, Pitt proposa de pourvoir à l’énormité du déficit par un emprunt de 25 millions sterling, plus considérable qu’aucun de ceux qu’on avait jusqu’alors votés, en assurant, comme à l’ordinaire, le paiement des intérêts au moyen de quelques nouvelles taxes