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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/967

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utile qu’il y ait été à des auditeurs d’élite, on a peut-être droit de regretter, je l’ai dit, que cette diversion prolongée, qui devint insensiblement une occupation principale, ait mis obstacle à l’entier achèvement de son entreprise historique. Ce ne fut qu’en 1836 qu’il publia le second des trois grands ouvrages qu’il avait de longue main préparés sur l’histoire du midi de la France. Le premier devait embrasser tout ce qui pouvait découvrir ou conjecturer de positif ou de probable sur les origines, l’histoire et l’état de la Gaule, principalement de la Gaule méridionale, avant et pendant la domination romaine. Le troisième et dernier, le plus intéressant des trois, dont il aurait formé le couronnement, aurait présenté le tableau complet des provinces méridionales durant les siècles de renaissance et de culture : on retrouvera du moins la portion littéraire de ce tableau dans les volumes du cours sur l'Histoire de la Poésie provençale, qui s’impriment en ce moment. Le second ouvrage, le seul qu’on possède sous sa forme historique définitive, était destiné à établir le lien entre les deux autres : il comprend le récit des évènemens de la Gaule depuis la grande invasion des barbares au Ve siècle jusqu’au démembrement de l’empire frank soin les derniers Carlovingiens. A travers cette longue et pénible époque intermédiaire, l’auteur s’attache plus particulièrement, et avec une prédilection attentive, à tout ce qui intéresse l’état du midi de la France, à tout ce qui peut y dénoter des restes de civilisation ou y faire présager des réveils de culture. Si discrète, si contenue que soit l’expression de sa sympathie, tout son cœur, on le sent, est pour ce beau et malheureux pays, où tant de fois de barbares vainqueurs fondent à l’improviste, coupant (ce qui est vrai au moral aussi) les oliviers par le pied et les arrachant jusqu’à la racine.

Il existe, sur cette période si obscure et si ingrate de l’histoire de France, d’autres ouvrages modernes plus vifs, plus animés de tableaux ou plus nets de perspective, d’une lecture plus agréable et plus simple. Des talens énergiques et brillans ont trouvé moyen d’y introduire de la lumière et presque parfois du charme ; mais, si je l’osais dire, ce charme, cette lumière même, lorsqu’elle est si tranchée, ne sont-ils pas un peu comme une création de l’artiste ou du philosophe, et jusqu’à un certain point un léger mensonge, en allant s’appliquer à des âges si cruels et si désespérés ? Pour moi, qui viens de lire au long les volumes de M. Fauriel, je crois en sortir avec une idée plus exacte peut-être de l’ensemble funeste de ces temps. Il en résulte une instruction triste et profonde ; s’il se mêle quelque fatigue nécessairement (malgré tous les efforts de l’historien ou à cause des