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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1104

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infortunes, de justes accens d’humanité (ce que j’appelle lacrympe volvuntur inanes) y ont leur écho, sans rien troubler. C’est en soi, si l’on peut ainsi parler, un beau livre d’histoire.

Au sortir de l’Histoire de la Révolution, ou dans le temps même où il s’en occupait, M. Mignet pensait déjà à celle de la Réforme. Il avait poussé assez avant ce grand travail, lorsque les évènemens politiques de 1829-1830 le vinrent distraire et appliquer tout entier avec ses amis à l’entreprise du National. Je n’ai rien à redire ici de ce qui a été déjà exposé dans l’article de M. Thiers ; M. Mignet prit avec lui la part la plus active à cette expédition vigoureuse. Le lendemain du triomphe, au lieu d’entrer, par un mouvement qui eût semblé naturel, dans la pratique et le maniement politique, il distingua sa propre originalité et se maintint dans une ligne plus d’accord avec ses goûts véritables. M. d’Hauterive, archiviste des affaires étrangères, était mort pendant les journées mêmes de juillet ; M. Molé, en arrivant au ministère, nomma aussitôt M. Mignet au poste vacant. Cette position centrale de haute administration et d’études est celle que l’historien a gardée depuis, et qu’il a même su défendre au besoin contre les tentations politiques dont plus d’une l’est venue chercher. Il aurait pu être ministre à son jour : il préféra demeurer le plus établi des historiens. Une seule fois, en 1833, il fut chargé d’une mission de confiance pour l’Espagne, à la mort de Ferdinand VII, et il alla porter à notre ambassadeur, M. de Rayneval, le mot du changement de politique dans les circonstances nouvelles que créait le rétablissement de la succession féminine. Cette excursion exceptée, les principaux évènemens de sa vie sont tout littéraires : nommé de l’Académie des sciences morales lors de la fondation en 1832, élu de l’Académie française comme successeur de M. Raynouard en 1836, il fut de plus choisi pour secrétaire perpétuel de la première de ces académies, à la mort de M. Comte, en 1837. Cette existence considérable, qui s’étendait et s’affermissait dans tous les sens, procurait bien des occasions à son talent et lui imposait des obligations aussi dont il n’a laissé tomber aucune. De là une diversité d’écrits qui pourtant sont encore moins des épisodes que des branches collatérales et des accompagnemens d’une même voie. M. Mignet excelle à introduire de la relation et de la suite là où d’autres n’auraient pas su éviter la dispersion. Comme archiviste, il a été conduit à publier les pièces relatives à la Succession d’Espagne sous Louis XIV, et aussi le volume récent sur Antonio Perez ; comme membre et secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques,