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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1142

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propre compte, d’endiguer le torrent que le Mexique n’aurait pu arrêter. On avait d’abord désigné le Yucatan comme devant garantir la dette anglaise ; mais, prévenue en temps opportun, cette presqu’île s’est mise à l’abri sous le bouclier de l’indépendance. Les États-Unis ne s’endormiront pas plus que l’Angleterre ; ils savent opposer l’intrigue à l’intrigue, les révolutions aux révolutions. Malheureusement pour le cabinet de Saint-James, il ne peut persister dans ses vues sur le Yucatan sans courir le risque de causer une nouvelle annexion, comme celle du Texas ; il se dédommagera en demandant Chiapas et Tabasco. Il lui faut à toute force une garantie ; on la lui promet, mais qu’il se hâte de la prendre : l’indépendance et l’annexion sont au fond de toutes les questions qui s’agitent dans ce malheureux pays. Quelque prématurée que soit la nouvelle de la cession de deux provinces à la Grande-Bretagne en hypothèque d’un nouveau prêt fait au Mexique, nous ne pouvons nous empêcher de l’accepter comme la seule explication possible de la révolution mexicaine et de l’enthousiasme subit de Paredes pour l’Angleterre. L’avenir ne tardera pas à montrer si nous devinons juste, ou si nous nous laissons égarer par de faux renseignemens. Quoi qu’il en soit, la France se trouve sans ministre, et par conséquent sans influence au Mexique. Fut-il jamais plus urgent de choisir un agent intelligent et actif ?

Les convulsions qui agitent Haïti ramènent l’attention publique sur une question secondaire sans doute auprès de celles où est engagé le sort des peuples, mais qui n’en a pas moins une importance véritable pour la France. Pendant que d’un côté le président qui exerce un pouvoir éphémère au Port-au-Prince s’efforce de ramener sous la domination des noirs la partie espagnole de l’île, il interrompt toute relation officielle avec la France. L’expulsion d’un sujet français a été l’occasion ou le prétexte de cette situation nouvelle, sur laquelle il est difficile de se prononcer encore. Quoi qu’il en soit, le gouvernement français ne saurait oublier quels graves et respectables intérêts sont engagés dans cette affaire de Saint-Domingue. Après avoir aliéné son droit de souveraineté sous la condition formelle qu’une indemnité de 150 millions serait payée aux anciens propriétaires, la France a consenti, par le traité du 12 février 1838, à réduire cette indemnité à 75 millions de francs payables en trente années. Elle avait pleinement le droit d’agir ainsi, et ne doit aucune garantie à ses concitoyens pour une transaction dans laquelle elle n’est intervenue que pour protéger leurs intérêts privés. Ainsi l’ont formellement reconnu les deux chambres ; mais, en même temps qu’elles repoussaient la garantie en droit, elles déclaraient que c’était une obligation impérieuse pour la France de peser de toute sa force morale et au besoin de toute sa puissance militaire sur la république haïtienne pour la contraindre à tenir ses engagemens. Aujourd’hui cette république est plongée dans une anarchie qui fait pressentir d’une part l’impossibilité d’acquitter une dette sacrée, et laisse redouter, de l’autre, des entreprises tentées par certaines puissances maritimes. Un ouvrage distingué, publié par M. Le Pelletier de