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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/137

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L’opinion publique, éclairée par cette discussion et frappée par la saisie illégale d’un navire français, se prononça énergiquement contre le droit de visite dans les élections générales qui eurent lieu au mois de juillet suivant. Dès la première session de la législature qui va bientôt finir, la chambre des députés, pénétrée elle-même du sentiment public, renouvela, dans son adresse à la couronne, le vœu émis déjà l’année précédente. Il n’était plus question de la convention de 1841 ; le gouvernement avait refusé de la ratifier. Il s’agissait d’abolir totalement le régime des conventions primitives, et le cabinet, placé dans l’alternative de se retirer ou d’accéder au vœu de la chambre, prit l’engagement d’ouvrir une négociation à l’effet de replacer notre commerce sous la surveillance exclusive de notre pavillon.

Les traités de 1831 et 1833 ont été, en effet, abrogés par la convention du 29 mai 1845. Le système de cette convention consiste à remplacer l’ancienne visite, qui avait pour but de vérifier la nature des opérations, par une visite d’un nouveau genre effectuée pour vérifier la nationalité des navires marchands et la réalité de leurs pavillons. On a proclamé que ce système, rendant, selon le vœu formel des chambres, la police de notre commerce à notre propre marine, était d’ailleurs conforme aux principes généralement reconnus du droit des gens et à la pratique constante des nations maritimes. Cette affirmation, inscrite dans la convention même, a été reproduite dans un article officiel du Moniteur[1], développée à la tribune de la chambre des députés par M. le ministre des affaires étrangères, et récemment enfin répétée dans le discours de la couronne.

Le droit établi par les instructions du 29 mai paraissait tellement innocent, qu’on ne s’inquiéta guère, dans le premier moment, d’en éclaircir les conséquences. On était fondé à le considérer comme parfaitement conforme à tous les précédens en matière de droit des gens et de police maritime. Comment supposer que des déclarations aussi positives et renouvelées sous tant de formes fussent contraires à la vérité ? Il est résulté de là que tout le monde a cru pouvoir se féliciter de cette convention, et la considérer comme une victoire diplomatique.

  1. « Quant à l’article 8, lorsque les instructions qui y sont annexées seront publiées, il sera évident qu’elles ne font que régler l’exécution d’un principe du droit des gens conforme à la pratique constante de la marine française, aux précédons de notre législation, et établi dans la même forme, dans les mêmes termes, par les documens officiels du gouvernement des États-Unis. » (Moniteur, 5 juin 1845.)